HOMÉLIES

HOMÉLIES  2022 - 2023

Année liturgique ' A '

22-02-2023 /  Mercredi des Cendres (Dom André)

Mercredi des Cendres


HOMÉLIE


Frères et Sœurs,

Ton père qui voit dans le secret te le rendra. Il y a donc un secret à vivre dans l’aumône, la prière et le jeûne. Quelle est donc cette attitude, ce secret demandé par Dieu dans notre manière de vivre maintenant notre marche vers Pâques, parce c’est maintenant le moment favorable pour le faire. Tout commence par le rappel du prophète Joël : revenir à Dieu de tout notre cœur. Revenir à lui parce que nous sommes ailleurs et que nous sommes sans doute encore loin de l’aimer de tout notre cœur et de toutes nos forces et que nous avons d’autres bonheurs que lui. Dieu ne repousse pas un cœur brisé et broyé. Le brisement du cœur c’est l’ouverture à l’amour, c’est la brèche qui fait mal quand on saisit que notre cœur loin de s’ouvrir à l’amour de Dieu et des autres s’est au contraire refermé. Nous pouvons alors prier Dieu de nous faire revenir à lui. Et c’est maintenant le moment favorable pour le faire et pour ne pas laisser sans effet la grâce que nous avons reçue de redécouvrir à chaque Carême que nous sommes faits non pas pour la cendre éteinte qui disparaît rapidement, mais pour le feu de la nuit de Pâques, le feu de l’amour qui embrase tout.

Pour revenir à Dieu et rester centré sur l’essentiel, l’Évangile nous propose trois étapes à vivre dans le secret : l’aumône, la prière et le jeûne.

C’est un peu étrange de parler de l’aumône pour des moines. Bien sûr la communauté fait des dons à la mesure de ses possibilités, mais chaque moine individuellement ne dispose pas d’argent et de possibilité de venir financièrement en aide aux autres. Mais ce n’est pas entièrement vrai non plus. Le moine dispose de ce qui est le plus précieux et rare à donner aux autres : du temps , de son temps offert gratuitement pour écouter un frère ou lui rendre service. Dans l’aumône, il ne s’agit pas seulement de donner mais bien plutôt de se donner. Et jusqu’où aller dans le dépassement de soi et le don de soi ? Il y a un type d’aumône qui demande forcément de se détacher de nos passe-temps préférés pour donner du temps quand les frères ont besoin de nous. Et dans le secret que notre Dieu voit, nous devrions pouvoir parvenir à ce lien fraternel avec tout être humain qui nous ferait vivre un vrai partage de ce que nous avons (du temps, du talent, du savoir-faire) et qui nous ferait dire en toute vérité : tout ce qui est à moi est à toi.

Au-delà des prières toutes faites qu’il peut nous arriver de réciter sans être présent à ce que l’on dit, il y a une prière qui jaillit du cœur et qui est un cri de louange ou de supplication à Dieu. On a dit de nous les moines que nous sommes des priants au milieu non pas de mécréants mais au milieu de criants, c’est-à-dire d’êtres humains qui ne savent pas quels mots mettre sur ce qui montent en eux et les tournent vers Dieu. La prière nous libère d’une vie uniquement horizontale, sans transcendance, sans présence du Dieu vivant et présent avec nous. Mais nous ne savons pas beaucoup plus que les criants comment prier et nous devons, nous aussi, laisser parler en nous cet Esprit que Dieu a insufflé dans notre cœur pour le chercher, l’aimer et le prier. Et c’est bien cet Esprit d’amour qui nous attache au Christ et nous appelle à une vie enflammée, embrasée de Lui.

Nous commençons et vivons ce carême dans une démarche de jeûne. Ce n’est pas d’abord un temps plus austère de prescriptions alimentaires plus restreintes même s’il n’y a pas de dessert pendant 40 jours. Ce n’est même pas un temps de plus grande solidarité avec tous ceux et celles qui souffrent de la misère, de la faim et de la soif aujourd’hui même dans le monde. Même si on peut aussi donner ce sens à nos gestes de privation et communier avec eux. C’est comme pour l’aumône et la prière, une démarche qui nous affranchit et nous libère des dépendances et des attachements qui séduisent, paralysent ou anesthésient notre cœur ou qui emprisonnent les autres. Le jeûne qui plaît à Dieu, c’est de ne pas se dérober à notre semblable quand il croise notre route et que nous pouvons l’aider à devenir libre et heureux. La ferveur de notre tout premier amour (et c’est un souvenir très précieux parce qu’il dure encore) a rendu tout le reste moins important que notre attachement indicible à l’Autre. C’est ce jeûne que le carême nous invite à retrouver. Nous ne sommes pas dans la gamme de la privation mais de l’amour qui unifie tout notre cœur et notre vie.

La cendre sur nos têtes ou sur notre front nous rappelle que nous sommes des êtres fragiles aux prises avec le mal, le péché, les apparences, notre passé, nos limites et nos illusions humaines. Ce signe nous reconduit humblement devant notre besoin de guérison de toutes nos blessures d’âme et de cœur. Mais sur notre poussière, Dieu a soufflé son Esprit de vie et ce qu’il fait, lui aussi dans le secret, c’est de nous faire sans cesse revenir à lui par l’amour qu’il a mis en nous…

26-02-2023 /  Premier dimanche de carême (Frère Bruno-Marie)

Premier dimanche de carême


HOMÉLIE


En ce premier dimanche du carême, nous voyons Jésus conduit au désert par l’Esprit pour y être tenté. Au désert, Jésus rencontre le Tentateur qui lui propose trois tentations qui pourraient ressembler étrangement à certaines de nos prières.

Voyant Jésus taraudé par la faim, le tentateur d’approche de Lui et lui souffle à l’oreille : « si tu es le fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre les gens nous dire : « Si Dieu existait, il n’y aurait pas tant de misère dans le monde. Tous mangeraient à leur faim. » En disant cela, c’est un peu comme s’il nous disait : « Où est-il ton Dieu? »
Cette question, « Où est-il ton Dieu? » il faut bien reconnaître que nous nous la posons nous aussi parfois. Quand nous voyons sur nos écrans tous ces gens émaciés et affamés. Comment se fait-il qu’un Dieu qui se dit Amour, laisse mourir de faire des populations entières? Pourquoi n’exauce-t-il pas nos prières?
De fait, Dieu exauce nos prières. Il a mis sur la terre et dans les mers toute la nourriture qu’il faut pour nourrir l’humanité. Ce sont nos coeurs qui sont pas ouverts au partage. C’est pourquoi Dieu nous répond à nous aussi comme au tentateur : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Autrement dit : « Mettez en pratique mon grand commandement de l’amour, apprenez à partager et vous verrez la faim et bien des misères disparaître de votre terre. »
Alors le diable amène Jésus à la Ville Sainte et le place au sommet du temple. Il lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera ordre à ses anges de le porter sur leurs mains de peur que son pied ne heurte les pierres. » Un miracle éblouissant : Se jeter en bas du temple et être arrêté dans sa chute par des anges qui le porterait sur leurs mains au vu et au su de tout le monde. Voilà ce qui convaincrait tout Jérusalem qu’Il est vraiment le Fils de Dieu.
En ces temps où l’Église est accusée de tous les maux et où elle est ridiculisée dans les médias, nous aimerions bien nous aussi, comme le l’annoncent certains sites internets, voir apparaître un grand signe dans le ciel.
Un signe qui convaincrait tout le monde que le Christ est vraiment l’ Envoyé de Dieu.
Ce à quoi Dieu répond : « Tu ne mettras pas Dieu à l’épreuve en espérant des signes extraordinaires. » D’ailleurs pourquoi chercher dans le ciel le grand signe que Jésus nous dit être sur la terre : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples » ou encore : « Père que tous soient un afin que le monde croit que tu m’as envoyé. » C’est donc l’unité des chrétiens qui prouvera au monde que Jésus est l’envoyé de Dieu.
Enfin, dévoilant alors le fond de sa pensée, le tentateur transporte Jésus sur une haute montagne et lui montrant le monde, il lui dit en lui montrant le monde: « tout cela je te le donnerai, si tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. »
Un dieu qui se prosterne devant nous. Combien de fois n’entendons-nous pas dire : « Dieu, je ne crois pas en ça . J’ai prié autant comme autant pour telle ou telle intention et je n’ai jamais été exaucé. Cela prouve bien que Dieu n’existe pas. » On voudrait un dieu à notre service. Un dieu qui exauce toutes nos prières. Un dieu machine distributrice dans lequel on met des prières pour obtenir ce que l’on veut.
Ce à quoi Dieu répond : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras et à lui seul rendras un culte. » En d’autres mots Si Dieu est Dieu, c’est à nous de faire sa volonté et non pas à lui de faire la nôtre. Bien sur que l’on peut présenter Dieu dans la prière nos besoins et nos désirs, mais sans oublier d’ajouter comme Jésus l’a fait au Jardin des Oliviers : « Que ta volonté soit faite et non la mienne. » Confiant que Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous et pour les autres.
Frères et soeurs
Un jour Jésus dit à Pierre : « Passe derrière moi Satan, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes.
Profitons de ce carême pour nous interroger sur la qualité de nos prières? Sont-elles en accord avec les pensées de Dieu?

05-03-2023 /  Deuxième dimanche de carême (Dom Yvon Joseph)

Deuxième dimanche de carême


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Sur la montagne du Golgotha, un vendredi, Jésus sera défiguré et crucifié… Aujourd’hui, sur la montagne de la transfiguration, il apparaît revêtu de soleil… Plutôt : irradiant de la lumière qui l’habite, de la Lumière qu’il est lui-même, en tant que de Fils de Dieu ! Jésus vit ce moment d’intensité, avant de prendre le chemin qui le conduira aux souffrances de sa passion et de sa mort
dont il a déjà fait l’annonce à ses disciples, à deux reprises… Il en a choisi trois d’entre eux pour être maintenant les témoins de cet événement unique.

Si nous prenons le temps de regarder Jésus transfiguré aujourd’hui, nous pourrons découvrir beaucoup sur la base de son expérience : nous apprendrons de lui comment faire face aux épreuves, aux moments de souffrance et de mort que nous rencontrons un jour ou l’autre dans notre vie personnelle ou dans la vie des personnes que nous aimons… Nous apprendrons de lui comment traverser ces moments de ténèbres, comment avancer au-delà des difficultés, des échecs des incompréhensions, des abandons ou des trahisons qui font souffrir… Dans ces moments de ténèbres et de grande souffrance, nous pouvons être tentés de douter de l’amour de Dieu envers chacun et chacune de nous ; nous pouvons même en arriver à conclure que les moments d’intimité et de lumière que nous avons connus avec lui dans le passé et où nous avons fortement ressenti l’amour de Dieu pour nous, que ces moments étaient tout simplement des illusions qui nous ont trompés…

En vivant l’expérience de la transfiguration avant celle de sa crucifixion et de sa mort, Jésus nous apprend plutôt qu’il nous faut savoir conserver précieusement dans la mémoire de notre cœur, ces bons et beaux moments que nous avons vécus grâce à notre foi, afin de pouvoir y puiser force et lumière lorsque viendront les moments de grandes épreuves et de noirceur… C’est en nous connectant à la lumière de notre foi que nous parviendrons à traverser ces moments pénibles. Comme Jésus l’a fait en montant à l’écart sur une haute montagne, nous avons besoin nous aussi, et encore plus que lui, d’aller à l’écart, dans un espace de silence, pour nous trouver nous-mêmes et mieux percevoir la lumière qui nous habite, nous qui sommes devenus fils et filles de Dieu, grâce à Jésus mort et ressuscité pour notre vie et notre salut.

 L’apôtre Pierre qui a goûté cette expérience exceptionnelle avec Jésus l’a trouvée tellement bonne, qu’il aurait voulu la prolonger et camper en quelque sorte sur la montagne. Mais ils doivent descendre de la montagne avec Jésus qui leur dit : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Ils ne doivent pas en parler, mais ils devront s’en souvenir – ce qu’ils n’ont pas su faire – lorsque Jésus vivra son atroce passion et qu’il mourra sur la croix, de la mort la plus ignominieuse qui soit pour un juif.

  Cet évangile, proclamé en ce deuxième dimanche du Carême, est une invitation à prendre du temps avec Jésus à l’écart, un temps pour l’écouter, comme nous y invite la voix de Dieu le Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Oui : l’écouter et surtout mettre en pratique ce qu’il nous dira, ainsi que nous le fait voir le pape François dans un commentaire sur cette page d’évangile :

"De cet épisode de la Transfiguration, je voudrais souligner deux éléments significatifs, que je synthétise en deux mots : montée et descente. Nous avons besoin… de monter… Cela nous le faisons dans la prière. Mais nous ne pouvons pas rester là. La rencontre avec Dieu dans la prière nous pousse à nouveau à ‘descendre de la montagne’ et de retourner en bas, dans la plaine, où nous rencontrons tant de frères [et de sœurs] alourdis de peines, maladies, injustices, ignorances, pauvreté matérielle et spirituelle. À nos frères [et sœurs] qui sont en difficulté, nous sommes appelés à apporter l’expérience que nous avons faite avec Dieu, en partageant la grâce reçue". (Angélus du 16 mars 2014)

Nous pouvons prolonger cette réflexion du pape François en nous demandant, chacun et chacune de nous, selon notre état de vie et notre vocation personnelle : « Comment vais-je descendre vers mes frères et mes sœurs, cette semaine ?... Y-a-t-il particulièrement une personne vers qui je pourrais descendre de la montagne pour aller la rejoindre dans la plaine où elle souffre ? »

12-03-2023 /  Troisième dimanche de carême (Frère Michel)

Troisième dimanche de carême


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Comme dans tous les pays où les peuples ont vécu longtemps comme des nomades dans le désert, les puits ont toujours eu une grande importance. L’endroit où étaient les puits, étaient des lieux de rencontres, où s’arrêtaient les caravanes et où on rassemblait les troupeaux. 

Dans les récits Bibliques, on retrouve plusieurs histoires sentimentales des patriarches tournant autour d’un puits. C’est près d’un puits que Moïse va tomber amoureux de celle qui deviendra sa femme, Çipporah. C’est également près d’un puits que Jacob et Rachel ou qu’Isaac et Rébecca se sont rencontrés.
Mais c’est aussi autours d’un puits, donné par Jacob aux habitants de Sichem en Samarie (aujourd’hui Naplouse en Palestine) que naîtra une triste histoire qui va faire de ce site, un lieu de discorde entre les juifs et les gens qui habitent la Samarie.

C’est donc précisément à ce puits qu’aura lieu la rencontre entre Jésus et la femme de Samarie. Dans le récit que nous présente l’Évangile, le dialogue entre Jésus et la femme samaritaine est introduit à propos d’une chose que la femme possède et que Jésus n’a pas pour étancher sa soif : Elle a une cruche.

Jésus en aurait bien besoin pour puiser l’eau du puits et se désaltérer mais la querelle qui oppose les Juifs et les Samaritains fait en sorte qu’elle ne devrait même pas lui adresser la parole et encore moins lui prêter sa cruche. En conséquence, Jésus va rester sur sa soif tout le long de notre histoire.

On a dit que Jésus n’a rien changé aux problèmes sociaux qui frappaient la société de son temps. Ici, s’il ne résout pas le problème entre juifs et samaritains, il le pointe du doigt et il accepte de braver l’interdit. Il ose adresser la parole à une femme qu’il ne connaît pas et qui plus est, est samaritaine. Pourtant, Il lui adresse la parole et, ce faisant, il provoque en elle un sursaut d’espoir qui est porteur du désir de vivre.
Par le seul fait d’avoir ressuscité l’espoir en elle, Jésus a ranimé sa capacité à identifier et à exprimer son désir profond.

Jésus lui a montré qu’il y a réellement d’autres valeurs que celles qu’elle a cherchées à atteindre jusqu’à maintenant.

À travers cette rencontre, Jésus l’a faite entrer dans la dimension spirituelle de son être.
Elle a compris que la dimension spirituelle de l’être humain dépasse les conventions sociales et même les différences entre les religions : parce que Dieu se rencontre aussi dans le dépassement de soi.

Depuis sa rencontre avec Jésus, la samaritaine a compris qu’elle ne pouvait pas rester enfermée dans les limites qu’on lui avait imposées et dans lesquelles elle s’était enfermée. Alors que rien n’avait encore changée dans sa vie, elle a compris que tout, désormais, pouvait changer : elle s’est mise à voir les choses autrement.

Dieu s’est révélé à elle comme le Dieu de l’ouverture et non de l’enfermement. Alors, qu’est-ce qui a changé en elle ? Rien et pourtant… tout.

Comme pour la samaritaine, nous pouvons, nous aussi, nous laisser rejoindre par Jésus, pour qu’à son contact, nous soyons libérés de nos enfermements et de nos espoirs déçus.
Lui seul peut nous redonner espoir, là où l’on croyait que tout semblait perdu, car « c’est vraiment lui le Sauveur du Monde ».

19-03-2023 /  Quatrième dimanche de carême (Frère Martin)

Quatrième dimanche de carême


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Jésus vit sur son passage un aveugle de naissance.

Frères et sœurs, ce n’est la première fois dans l’Évangile que Jésus procure la guérison à un aveugle. Souvenons-nous de ceux qui le suivaient de près à la sortie de Jéricho en criant : Aie pitié de nous, Fils de David ou encore à Bartimée se faisant rabrouer sévèrement par la foule pour avoir implorer la miséricorde de Dieu ou bien à l’aveugle de Bethsaïde que Jésus guérit hors de l’enceinte de son village.

Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est la mention d’un aveugle de naissance. L’évangéliste Jean prend soin de le préciser dès le premier verset de son récit comme s’il voulait accentuer la gravité de la maladie de cet homme ; celui-ci n’a pas perdu la vue en raison d’un accident, d’une blessure, d’une bagarre ou encore de la guerre, cet homme est simplement aveugle-né. Il n’a jamais vu distinctement ; pas une seule fois au cours de sa vie. Sa cécité l’a plongé dans la noirceur jusqu’à ce jour. Il peut vivre, mais parce qu’il est aveugle, il risque de se retrouver à tout moment face à un danger mortel. Sa maladie devient pour lui une question de vie ou de mort.

Pourtant, cet homme n’est pas né aveugle parce qu’il a péché. La maladie et les épreuves de la vie ne sont pas une conséquence du péché ; elles ne sont pas non plus voulues par Dieu.
Ni lui, ni ses parents n’ont péché, assure Jésus.

En revanche, Jésus utilise la symbolique de l’aveuglement pour révéler l’obscurité qui ha-bite le cœur de tout être humain, conséquence de notre fermeture à l’amour qui vient de Dieu. À ce propos, et à la suite de saint Augustin, le pape François écrit que « l’aveugle de naissance symbolise le genre humain ; il représente chacun de nous, qui avons été créés pour connaître Dieu, mais qui à cause du péché sommes comme des aveugles de naissance. »

Nous sommes à l’image de cet aveugle de naissance lorsque nous refusons de reconnaître en Jésus la lumière véritable qui éclaire tout homme, la lumière du monde, lorsque nous détournons notre regard loin de Lui, lorsque nous préférons faire confiance à nos petites lumières qui brillent si faiblement dans la nuit, lorsque nous tâtonnons dans l’obscurité à la recherche de bonheurs futiles. Nous sommes ces Pharisiens d’aujourd’hui, aveuglés par l’orgueil, le savoir, les certitudes, nous empêchant de découvrir en Jésus l’envoyé du Père, Celui qui sauve le monde.

Aveugles-nés donc, à l’exemple de celui d’aujourd’hui, mais également enfants de Dieu dès la naissance puisque nous sommes non seulement nés de la terre et de la poussière, de la chair et du sang, mais encore de Dieu lui-même. Le beau geste de Jésus assimilant l’eau de sa salive à de la terre révèle non seulement la profondeur de la blessure que nous portons, mais plus encore l’amour bienveillant et passionné du Seigneur pour chacun et chacune de nous.

Il rappelle le geste créateur du Seigneur lorsqu’il façonna Adam, le terreux, en lui insufflant son haleine de vie. Il nous dit que nous sommes créés à son image et à sa ressemblance, que nous sommes des enfants de lumière, ainsi que l’écrit saint Paul à la communauté d’Éphèse.

Nous sommes enfants de Dieu, poursuit le pape François, « lorsque nous abandonnons nos fausses lumières, celle d’abord du préjugé contre les autres, parce que le préjugé déforme la réalité et nous charge d’aversion contre ceux que nous jugeons sans miséricorde et condamnons sans appel. Nous sommes enfants de Dieu lorsque nous abandonnons la lumière séduisante et ambiguë de l’intérêt personnel qui évalue les personnes et les choses sur la base du critère de notre utilité, de notre plaisir ou de notre prestige. » Nous sommes enfants de Dieu lorsque nous fixons notre regard sur Jésus, la seule vraie lumière capable de nous conduire sur la route des béatitudes.

Voilà ce que la grâce de la foi nous révèle, bien au-delà de notre péché d’aveuglement.
Là où le péché a abondé, la grâce de la foi, elle, a surabondé pour reprendre les mots de saint Paul.
Frères et sœurs, ce que dit aujourd’hui Jésus à travers la guérison de l’aveugle-né, et j’aime à penser que c’est la plus belle raison de croire en l’Évangile, c’est que toute réalité peut être envisagée différemment selon le regard que donne la foi. Prendre une chose pour une autre, non par confusion, mais par révélation de la profondeur dont elle recèle : une naissance pour un éveil à la vie intérieure, une soif pour un désir de transcendance, une cécité pour un appel à suivre la Lumière du monde, un pécheur aveugle-né pour un enfant de Dieu et un fils de la lumière, le péché et le mal pour une œuvre de rédemption.

« Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. »
Voilà le regard de la foi donné à l’aveugle-né, et par le fait même à nous tous aujourd’hui qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, nous faisant passer progressivement de la cécité à la clarté du jour de Pâques.

25-03-2023 /  L' Annonciation (Dom André)

L' Annonciation


HOMÉLIE


Frères et Sœurs,

Depuis une cinquantaine d’années, on parle beaucoup de l’importance de discerner les signes de Dieu dans l’histoire de l’humanité et de l’Église. Et nous-mêmes, les moines, nous savons très bien que nous ne sommes pas là pour faire nombre mais bien pour faire signe. Et pour faire signe nous n’avons pas besoin d’être nombreux comme nous l’avons déjà été. Mais notre signe doit être visible et déchiffrable, c’est-à-dire perçu et compris par les gens. Le prophète Isaïe y faisait déjà allusion : Ne ressassez plus les faits d’autrefois, voici que moi, dit le Seigneur Dieu, je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne : ne le reconnaîtrez-vous pas ? (Is 43,19) et saint Luc dans le prolongement de ce discernement d’un moment sacré dans notre histoire ajoute : Voyez les arbres. Dès qu’ils bourgeonnent, vous n’avez qu’à les regarder pour savoir que l’été est proche. De même quand vous verrez arriver certains évènements, sachez que le royaume de Dieu est proche… (Lc 21,29s) Dans la Parole de Dieu de cette fête, le roi Acaz refuse de demander un signe. Mais un signe lui sera donné : une vierge enceinte enfantera un fils, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. Mais en réalité, il y a très longtemps que Dieu nous fait signe dans une parole qu’il répète à chaque génération et à tous ceux et celles dont il se fait proche. Il a dit cette parole à Marie au jour de l’Annonciation. Et le Christ ressuscité en a fait une promesse : et moi, je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

À Jacob, Moïse, Gédéon, Marie : il a répété ce Je suis avec toi, Je serai avec toi. Cette annonciation est au cœur de ce que nous célébrons aujourd’hui. Il est avec nous. Et comme Marie, si nous laissons cette parole entrer dans notre cœur : il se peut que nous soyons nous aussi à la fois émerveillés et bouleversés.

Nous sommes aux prises avec nos propres défis et nous ne savons pas « comment » faire pour les résoudre ou même pour laisser Dieu agir en nous. Et il est tout à fait pensable que Dieu nous fasse la même réponse qu’il a donnée à Zacharie, à Élisabeth, à Marie et à tant de nos frères et de nos sœurs dans la foi qui ont fait des choses plus grandes que ce qu’ils auraient pu imaginer en se fiant à leur seule nature humaine : L’Esprit Saint viendra sur toi. Gédéon ne sait pas comment faire devant l’armée innombrable qui assiège les siens et il se plaint et se lamente de son manque de ressources mais le Seigneur ne va pas sur ce terrain et lui répond : Va avec la force qui t’habite. C’est dérangeant de se rendre disponibles à la sagesse et à la force de l’Esprit qui nous habite et de s’éveiller à ses inspirations et à ses appels, surtout quand notre vie quotidienne est remise en cause, comme le fut la vie de Marie qui avait un autre projet de vie quand l’ange est venu la trouver pour cette annonciation.

En réalité, nous devrions pouvoir baser, bâtir toute notre vie sur la parole de Dieu qui nous dit qu’il est avec nous tous les jours. Mais Dieu connaît tellement bien nos limites humaines de perception, de déchiffrement et de compréhension alors il nous donne un dernier signe pour nous révéler que rien n’est impossible à Dieu. Le signe s’adresse à Marie : Ta cousine Élisabeth, dans sa vieillesse, a conçu elle aussi une fils alors qu’on l’appelait la femme stérile. L’impossible que Dieu peut réaliser est de transformer la stérilité en fécondité. Même après un très long temps d’attente et d’espérance. Dans la vieillesse, au bout de la vie d’une personne, d’une communauté, tout à coup, quelque chose qu’on n’attendait plus, tout en continuant de l’espérer, surgit, germe et bourgeonne.

En ce jour, la grande nouveauté est que Dieu est entré dans l’histoire de l’humanité et dans mon histoire humaine. Et le Christ en venant dans notre monde, n’a pas changé de lieu mais il est devenu visible dans la condition humaine. Il a commencé à habiter visiblement parmi nous, en nous et entre nous. Il s’est identifié à chaque être humain. La question que posait Isaïe avant même l’incarnation du Fils de Dieu demeure toujours aussi pertinente : ne le reconnaîtrez-vous pas dans ce qui bourgeonne de neuf en vous et autour de vous ?

Mon Dieu, dit le psalmiste, voilà ce que j’aime, voilà ce qui me tient aux entrailles : tu es venu, tu es là, vivant et présent, à tous les jours. Et cette annonciation n’aura pas de fin avant nos retrouvailles dans l’éternité.

26-03-2023 /  Cinquième dimanche de carême (Frère Bruno-Marie)

Cinquième dimanche de carême


HOMÉLIE


Frères et soeurs,
Un jour que Jésus se trouvait dans le temple de Jérusalem, les juifs se rassemblèrent autour de lui pour lui demander : « si tu es le Christ dis-le nous ouvertement. » Ce à quoi Jésus répondit : « Je vous l’ai dit et vous ne me croyez pas. » ce à quoi Il ajouta : « Le Père et moi nous sommes un. » Sur ces paroles, les juifs se penchèrent pour ramasser des pierres afin de le lapider parce que Il avait osé se faire l’égal de Dieu. Pour leur échapper, Jésus se retire alors en Galilée avec ses disciples pour y être en sécurité.
Chemin faisant , son ami Lazare, —qui habite Bethanie à environ une demie heure de marche de Jérusalem — tombe malade. Ses deux soeurs Marthe et Marie qui sont surement au courant des événements qui viennent de se produire dans le temple de Jérusalem n’osent pas demander à Jésus de revenir pour guérir leur frère de peur de mettre sa vie en danger. Elles tiennent tout de même à le mettre au courant. C’est pourquoi elles lui envoient un messager pour lui dire : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
Jésus aurait bien pu guérir son ami Lazare à distance, par la seule puissance de sa Parole, comme il l’avait fait en guérissant le fils du centurion romain ou encore en chassant une démon de la fille de la cananéenne. Il n’avait qu’à dire au messager : « retourne en paix, mon ami Lazare est guéri. » et son ami Lazare aurait été guéri. — Et c’est peut-être ce que les deux soeurs espéraient en secret, que Jésus guérisse leur frère Lazare à distance sans s’exposer lui-même au danger.— Mais Jésus aime tellement Lazare et ses deux soeurs qu’Il veut être à leurs côtés pour les aider à traverser ces moments difficiles. C’est pourquoi Il décide de retourner en Judée. Thomas, l’un des douze, qui a très bien compris à quel danger s’expose Jésus , s’exclame : « Allons-y nous aussi pour mourir avec Lui. ». C’est d’ailleurs à cette occasion que les chefs des prêtres décidèrent de faire mourir Jésus.

Frères et soeurs,
Nous sommes tous et toutes des Lazare; des amis de Jésus. Tous et toutes nous étions tous morts et condamnés aux ténèbres par suite de nos fautes. Mais Jésus nous aime tellement qu’Il a voulu quitter son ciel où il était en sécurité pour venir nous sauver.
Lui qui a créé le ciel et la terre par la seule puissance de sa Parole. Lui qui a dit : « que la lumière soit » et la lumière fut aurait fort bien pu nous sauver à distance. Il n’avait qu’à dire : « Je le veux qu’ils soient tous pardonnés » et nous aurions tous été pardonnés et sauvés.
La preuve que Dieu nous aime c’est qu’Il ne se contente pas de nous sauver à distance. Nous avons tellement de prix à ses yeux, qu’Il n’hésite pas à envoyer son Fils unique pour nous sauver bien qu’Il sache à quel danger Il l’expose. Dès l’instant où Dieu décida de créer l’homme et la femme, Il savait déjà : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
C’est cet amour fou d’un Dieu qui donne sa vie pour ses amis que nous allons célébrer durant les jours saints qui viennent.
Ces jours saints sont loin d’ être tristes. Ils devraient plutôt nous faire éclater de joie car ils sont la preuve du plus grand amour. Ils nous disent à quel point Dieu nous aime.

02-04-2023 /  Dimanche des Rameaux et de la Passion (Dom André)

Dimanche des Rameaux et de la Passion


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Homélie des Rameaux

Frères et Sœurs,
La Semaine Sainte commence par nous recentrer et nous reconnecter en profondeur sur la joie. Jésus entre à Jérusalem et c’est un climat de joie que l’on respire. Jésus a éveillé dans le cœur des hommes et des femmes de son temps beaucoup d’attentes et d’espérances, surtout chez les gens humbles, simples, pauvres, oubliés. Il a su comprendre toutes les misères humaines et il a montré le visage de miséricorde de Dieu. Il a posé des gestes concrets pour guérir les maladies du corps mais aussi les blessures de l’âme. Et c’est avec cet amour qu’il entre à Jérusalem. C’est une scène très belle, joyeuse, contagieuse, pleine de la lumière de l’amour et du cœur de Jésus.

La joie, bien entendu, ne se vit pas de la même façon à toutes les étapes et dans toutes les circonstances de notre vie humaine, une vie qui peut aussi parfois être très dure. Jésus le sait très bien et il le dit à ses disciples : Vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie… et votre joie, nul ne pourra vous l’enlever. Car notre joie ne vient pas des plaisirs ou de la richesse; elle vient du fait de l’avoir rencontré lui, Jésus. Et son message, sa parole de Dieu quand elle nous rejoint et nous affecte, est une source de joie : tout ce qu’il nous dit c’est pour que sa joie soit en nous et que notre joie soit complète.

En voyant Jésus ressuscité, les disciples sont chaque fois remplis de joie. Quand Jésus entre à Jérusalem ce n’est pas encore, pour eux, cette joie qui les habite et les soulève. Mais pour nous qui savons qu’il est vivant et ressuscité une fois pour toutes, nous avons part à cette joie unique et elle ne nous quitte pas au souvenir que nous allons revivre, durant ces Jours Saints, de la Passion et de la Mort de Jésus. Nous savons que la Croix est incontournable dans le mystère pascal. Mais nous savons aussi que ce passage par la Croix nous ouvre à la nouveauté de Pâques et nous permet de porter un tout autre regard sur notre vie.

Prenons ce passage et marchons ce chemin, marchons-le pour nous, à la rencontre du mystère de la mort et de la résurrection dans chacune de nos vies, mais avançons avec Lui… Avançons en faisant nôtre ce que le psalmiste nous dit (Ps 42,4) : J’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu, vers Dieu qui est toute ma joie.

Allons ensemble au rythme de nos frères ralentis par le grand âge et les infirmités. C’est ensemble que nous voulons aller vers le Christ.


Homélie de la Passion

Il y a plus de 60 ans, notre poète québécois Gilles Vigneault se demandait : sans amour pourquoi chanter et le refrain reprenait sans cesse : qu’il est difficile d’aimer. Long de temps avant lui, le psalmiste affirmait que l’amour vaut mieux que la vie. Il n’ajoutait rien mais nous pourrions, nous, y joindre le même refrain : qu’il est difficile d’aimer. Et nous venons de l’entendre encore une fois dans le récit de la Passion : qu’il est difficile d’aimer.

Jésus dit que l’un des siens va le trahir et les disciples se demandent à tour de rôle : serait-ce moi Seigneur? Ils l’accompagnent depuis trois ans; ils vivent avec lui jour après jour mais aucun n’est sûr de ses sentiments. Serait-ce moi, Seigneur? Et quand Pierre ajoute : même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. Et tous les disciples dirent de même. Une réponse noble et sincère mais sans fondement ni ancrage dans la réalité. Ils finiront tous par s’enfuir, disparaître et laisser Jésus seul à la fin.

Judas va trahir Jésus et le signe convenu pour le livrer consiste à embrasser Jésus. L’amour est imité et parodié. Ce n’est pas seulement difficile d’aimer mais on peut poser des gestes d’amour trompeurs et menteurs. Judas va reconnaître qu’il a livré un innocent mais il est trop tard pour rattraper son geste, D’ailleurs les grands prêtres et les anciens le lui disent clairement : Pour nous, tes remords sont sans importance. Cela te regarde. Et Judas qui n’a pas appris à affronter la part obscure de lui-même et encore moins de s’ouvrir à l’amour ne voit pas d’autre issue que de se pendre. Il est difficile d’aimer les autres quand on n’arrive plus à s’aimer soi-même.

En reniant Jésus, Pierre va prononcer des mots terribles : Je ne connais pas cet homme. Comment peut-il parler ainsi lui qui a toujours été si proche de Jésus ? On pense qu’il a voulu sauver sa peau, qu’il s’est préféré lui-même à Jésus et il y a sans doute quelque chose de cela dans son Je ne connais pas cet homme. Mais peut-être disait-il la vérité à cet instant précis. À certaines heures, même si on croit l’aimer, il arrive de ne plus toujours savoir si on connaît vraiment quelqu’un et on peut alors dire tenir des propos qui nous font sortir de la relation avec l’autre. Pierre s’est alors souvenu que Jésus lui avait annoncé ce qui allait arriver et, rentrant en lui-même, il a pleuré amèrement et il a aussi retrouvé son humanité. Il est difficile d’aimer. Et ce sera intéressant plus tard de voir comment Jésus a renoué le lien avec Pierre. Il a fait émerger au fond de cet homme ce qu’il portait de meilleur. Il ne l’a pas questionné sur son zèle, sa fidélité, son courage. Il l’a interrogé sur l’amour. Pierre, m’aimes-tu ? C’est rare qu’on interroge les gens sur leur amour mais pour Jésus, c’est la seule question qui l’intéresse. Parce que l’amour c’est la question où se joue le destin de tout être humain.

Le passage de Simon de Cyrène sur le chemin de croix de Jésus est intéressant. Il est réquisitionné. Il ne pose pas un geste gratuit d’amour comme le bon Samaritain mais il le fait. Et peut-on être vraiment soi-même avant d’avoir appris à porter quelqu’un d’autre ou du moins la croix de quelqu’un d’autre? Par obligation ou librement, il nous arrive tôt ou tard d’être mis devant cette situation : prendre sur nous ce qui est trop lourd à porter, voire même écrasant, pour un autre et faire un bout de chemin avec lui, en le soutenant comme on peut. Simon de Cyrène ne vit pas la vie de Jésus à sa place. Personne ne peut vivre la vie d’un autre à sa place. Mais nous pouvons parfois en partager une part, pour un certain temps. Et il y a de l’amour dans cette aide.

Le centurion et ceux qui gardaient Jésus avec lui dirent : Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu. Ils ont été saisis par les événements et sans doute par les paroles de Jésus en croix. Ils avaient devant eux un crucifié, condamné à mort et agonisant, sans doute qu’il n’était plus beau du tout à voir, mais au-delà des apparences ils ont vu l’invisible, ils ont vu le Divin. Ils gardaient Jésus ensemble, ils ont écouté, regardé, vu et discerné ce qui advenait à cet instant et ce qui est monté en eux ressemble beaucoup ce que dira saint Jean un jour : C’est le Seigneur. Ils dirent : Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu. À mi-chemin entre la confession de foi et la confession d’amour. Une brèche de lumière s’est ouverte en eux.

L’amour se vit toujours dans une relation. Pour Jésus c’est avec nous et avec son Père qu’il vit cette relation. En croix il ouvre les bras pour accueillir nos peines et nos joies, pour nous aimer jusqu’au bout. Et faut-il le redire : pour nous aimer « lucidement » jusqu’au bout. Il goûte, mais sans la boire, la boisson à base de vin avec un grain d’encens destinée aux crucifiés pour leur faire perdre conscience en bonne partie et leur éviter de trop souffrir. Jésus crie d’une voix forte Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? Un chanteur populaire a repris ce cri d’un fils à son père : où t’es papa, où t’es ? Jésus se tourne vers son père car, à cet instant, dans l’abandon et la solitude qui précèdent sa mort, il ne sent plus le lien et c’est un ultime cri d’amour. Où t’es papa, où t’es ? ce qu’il cherche ce n’est pas le pourquoi explicatif de l’abandon, c’est la présence de ce Père éternel, tendre et aimant, qui lui a dit : Tu es mon fils, en toi j’ai mis tout mon amour…

09-04-2023 /  Dimanche de Pâques (Dom André)

Frères et Sœurs,
Quand donc dans notre vie chrétienne et même dans notre vie humaine avons-nous couru vers les autres et vers Dieu? Et qu’est-ce qui peut bien nous amener à courir vers quelqu’un, vers les autres ou vers le Christ? Ce qui nous fait courir, c’est le désir de rejoindre quelqu’un, c’est l’espoir secret qui nous habite, c’est la joie qui déborde et que l’on veut parta-ger, c’est l’amitié ou l’amour. Au matin de Pâques, c’est un mélange de ces divers éléments qui fait courir Marie-Madeleine vers Pierre et les autres apôtres et qui fera ensuite courir Pierre et Jean vers le Christ, vers le lieu où il reposait, vers ce tombeau où on l’avait déposé.
Il faut une bonne raison pour courir, il y a quelque chose d’un peu ex-ceptionnel qui se passe pour que l’on se hâte ou que l’on court. Dans la parabole du fils perdu et retrouvé, le père aperçoit son fils de loin et il court aussitôt se jeter à son cou et le couvrir de baiser. Il vivait dans l’espérance de revoir son fils et courir au-devant de lui exprime tout son amour de père pour ce fils retrouvé.
L’ange de l’annonciation donne à Marie le signe que rien n’est impossible à Dieu et ce signe c’est Élisabeth la femme stérile qui attend un enfant elle aussi. Alors Marie, enceinte de Jésus, part en hâte pour se rendre dans le haut du pays visiter sa cousine Élisabeth. Elle se hâte.
Jésus évoquant le mystère de la croix et de sa mort, donne un conseil à ses disciples : marchez tandis que vous avez la lumière pour que les té-nèbres ne s’emparent pas de vous et que vous ne sachiez plus où vous allez. Notre Père Saint Benoît dans le prologue de sa Règle saisi ce con-seil de Jésus et nous en montre l’urgence en transformant le « marchez » par un « courez ». Courez tant que nous avez la vie de la lumière…
Saint Bernard va aller plus loin encore. Plutôt que de dire cherchez l’Éternel « pendant » qu’il se laisse trouver en sous-entendant de le chercher maintenant parce que après il risque d’être trop tard, saint Bernard préfère dire cherchez l’Éternel « puisqu’il » se laisse se trouver. Le Seigneur est un Dieu qui se laisse trouver. Le fait de se laisser trouver ou de se rendre proche de nous est dans sa nature.
Nous sommes aujourd’hui irradiés par la lumière et la joie de Pâques, par la lumière et la joie du Christ ressuscité, c’est donc le moment favorable, plus que jamais, de courir vers Lui de toutes nos forces et de tout notre cœur en imitant Marie-Madeleine qui va partager ce qu’elle a découvert et l’annoncer aux autres, courir vers Lui en imitant Pierre et Jean qui vont courir « ensemble » avec le secret espoir de voir et de croire qu’Il est vivant et présent, ressuscité.
Ce qui nous fait courir, Frères et Sœurs, c’est aussi ce qui fait battre notre cœur pour les autres et pour Dieu, c’est l’amour, cet amour dont la ré-surrection du Christ nous apprend qu’il est plus fort que la mort, qu’il fait de l’éternel dans le quotidien de nos jours, quand nous nous hâtons de le vivre, de le multiplier et de le rendre contagieux autour de nous…
Ne l'oublions pas : ce jour est le Jour de Pâques. Christ est Ressuscité et Vivant… et nous avons part à sa Résurrection et à sa Vie car nous sommes le Corps du Christ !

16-04-2023 /  2e Dimanche de Pâques (Frère Martin)

2e Dimanche de Pâques

Mon Seigneur et mon Dieu !
Frères et sœurs, comment ne pas s’émouvoir de cette parole de l’apôtre Thomas ? Comment ne pas être touché par le geste de Jésus envers son disciple : Avance ton doigt... mets ta main dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant ? Ce récit de la résurrection fait certainement partie des plus belles pages de l’Évangile. Celles qui ne laissent jamais indifférent même après de nombreuses années ; celles qui nous remuent encore de l’intérieur, qui bouleversent notre être tout entier.
 Mon Seigneur et mon Dieu !
C'est un privilège tout à fait unique et extraordinaire que celui de Thomas d'avoir non seulement touché la chair du Christ ressuscité, mais d'avoir mis son doigt dans la marque des clous, d'avoir mis sa main dans le côté transpercé du Seigneur des vivants. Ce faisant, il est allé jusqu'au plus intime de la présence du Ressuscité : il a touché les blessures de sa chair glorifiée ; il a découvert dans cette expérience unique que le Christ Jésus est vraiment Dieu.
Mon Seigneur et mon Dieu !
Thomas témoigne ainsi que c’est bien lui, le Crucifié, qui se manifeste maintenant vivant, au milieu de ses disciples, au milieu de nous, au milieu de notre assemblée. C’est le signe ultime donné par l’évangéliste Jean, signe qui sera au cœur de la foi des Apôtres et de l’Église, à savoir la mort et la résurrection de Jésus dont nous faisons mémoire en chacune de nos eucharisties. Ce signe n’est pas le privilège de Thomas ou des autres disciples. Ce signe nous est donné à nous aussi, ce matin, en cette église.
Si le Christ Jésus montre aujourd’hui les blessures de sa Passion, ce n’est pas pour nous dispenser de la foi, du « faites ceci en mémoire de moi », mais pour que par la foi, nous puissions pénétrer dans le mystère de notre salut accompli en sa Pâque.
Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, est-il écrit, et tout ce que Jésus a vécu en sa personne, nous sommes appelés à le vivre à sa suite. Ce n’est pas en vain qu’il a souffert la Passion ou pour reprendre le titre d’un livre du père Robert Thomas, « Il ne nous a pas aimés pour rien. » En son mystère pascal, il veut nous entraîner, à travers ses propres blessures, à vivre nos joies, nos peines et nos épreuves dans la foi et l’espérance.
La question est de savoir si, à l’instar de Thomas, nous sommes prêts à prendre refuge dans les plaies du Ressuscité ? De faire comme la colombe du Cantique des cantiques qui trouve abri et réconfort dans les fentes d’un rocher ? Sommes-nous prêts à avancer la main dans le côté du Transpercé pour y sentir battre la vie nouvelle, le cœur du monde, le cœur de Dieu et celui de son pardon ? Sommes-nous prêts à reconnaître humblement que c’est aussi notre péché qui l’a transpercé ? Non pour nous culpabiliser, mais parce que nous ne pouvons entrer dans la dynamique de ce trop-plein de vie qu’est la Résurrection que par la reconnaissance de notre faute et la foi en la miséricorde infinie de Dieu. De là, jaillit la vie éternelle.
En sa résurrection, et par ses plaies, le Christ ressuscité jette ainsi un pont entre le fini et l’infini, entre le temporel et l’éternel, entre notre péché et l’amour miséricordieux du Père. Et cette miséricorde est puissance de Dieu dans notre pauvreté puisque c'est à celui qui avait douté, à celui qui ne voulait pas croire à la parole de ses compagnons, mais qui voulait à tout prix toucher le Ressuscité de ses mains, c'est à lui qu’a été faite la grâce extraordinaire de s’approcher du cœur de Dieu.
Et c’est à nous aujourd’hui que cette grâce est donnée.
Avance ton doigt... mets ta main dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant.
  
 

23-04-2023 /  3e Dimanche de Pâques (Dom Yvon-Joseph)

3e Dimanche de Pâques

Le chemin d’Emmaüs, c’est le chemin où Dieu est mort dans le cœur des deux disciples qui ne comprennent plus, dans la vie de nombreux croyants aujourd’hui qui n’en peuvent plus et cèdent au découragement… Le chemin d’Emmaüs, c’est aussi le chemin où Dieu est rencontré alors que l’on n’osait plus l’espérer…
Aux deux disciples d’alors, découragés et brisés par le drame de la Passion, le Christ ressuscité dit une parole qui vient dénouer tout le sens de ces heures sombres qu’il a traversées : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? ». Parole si riche de sens que seul l’Esprit du Seigneur peut nous y faire accéder, parole si intense que seul l’Esprit du Seigneur peut ouvrir notre cœur à l’espérance qu’elle nous offre.
« Il fallait… » En parlant ainsi, Jésus ne présente pas sa passion et sa mort comme le déroulement fatal d’un plan tout tracé d’avance par Dieu, mais comme le libre déploiement de son amour qui s’est montré fidèle jusqu’au bout, malgré toutes les oppositions et les obstacles rencontrés...
« Il fallait… », parce que Dieu est fidèle à ses promesses et qu’il ne reprend pas sa parole ni son amour…
« Il fallait… », c’est le mystère du Dieu Père qui donne son Fils et qui se donne en son Fils : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (Jn 3, 16) !
La croix de Jésus, c’est l’ultime parole de Dieu, celle qui dit tout ce qu’il a à dire et au-delà de laquelle il n’a plus rien à dire : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (Jn 3, 16) ! C’est la parole qui révèle tout le sens du « Il fallait… »., énoncé par Jésus.
Par son enseignement aux deux disciples, Jésus ressuscité vient éclairer tous les chemins d’Emmaüs d’aujourd’hui : chemins du plus profond découragement…, chemins où la croix se dresse, incompréhensible, au cœur de la vie de tant de personnes…, chemins où la souffrance se fait tellement envahissante qu’elle ne laisse plus d’espace pour croire en un Dieu qui nous aime…
Aujourd’hui encore, c’est au plus creux de cette expérience que le Seigneur vient nous rejoindre… Cette fois-ci, il pourra prendre le visage d’un frère ou d’une sœur qui nous accompagne et nous écoute… Par cette sœur ou ce frère, le Christ ressuscité accueille notre désarroi et notre découragement… Il éclaire ce que nous vivons de pénible en nous donnant de comprendre qu’avec Dieu, la souffrance et la mort n’auront jamais le dernier mot… À la différence des disciples d’Emmaüs qui ont invité le Seigneur à leur table, c’est le Seigneur qui nous invitera à sa table et nous partagera son pain de vie… Et notre cœur deviendra tout brûlant, car nous communierons alors à l’amour de Dieu, plus fort que toute souffrance et que toute mort…
Mes frères et mes sœurs, c’est l’expérience qui nous est offerte en chacune de nos eucharisties : rencontrer le Christ, écouter sa parole qui nous éclaire et réchauffe nos cœurs, manger le pain de son corps livré pour nous, le pain qui nous fait passer progressivement de la mort à la vie, le pain de la vie véritable et éternelle, commencée dès maintenant…
Lorsque nous rencontrons ainsi le Christ, nous ne le rencontrons pas seulement pour nous-mêmes, nous le rencontrons en communion avec tous nos frères et sœurs du monde entier, en particulier avec ceux et celles qui peinent sur des chemins de souffrances… C’est dans cet esprit que nous pouvons nous adresser au Seigneur en faisant nôtre cette belle prière que nous a laissée le pape François, lors de l’Eucharistie qu’il a célébrée à Sainte-Anne de Beaupré, en juillet dernier :
Seigneur Jésus, nous nous adressons à Toi comme les disciples d’Emmaüs : « Reste avec nous, car le soir approche ». (Lc 24, 29) Reste avec nous, Seigneur, quand l’espérance se couche et que la nuit de la déception décline. Reste avec nous parce qu’avec Toi, Jésus, le cours des évènements change et l’émerveillement de la joie renaît de l’impasse du découragement. Reste avec nous, Seigneur, car avec Toi la nuit de la douleur se change en un matin radieux de la vie. Nous disons simplement : reste avec nous, Seigneur, parce que si Tu marches à nos côtés, l’échec s’ouvre à l’espérance d’une vie nouvelle.


30-04-2023 /  4e Dimanche de Pâques (Frère Bruno-Marie)

4e Dimanche de Pâques

Frères et soeurs
Les brebis suivent leur Pasteur non seulement parce que elles connaissent sa voix, mais aussi et surtout parce qu’elles lui font confiance. Elles savent qu’en suivant sa voix, elles seront en sécurité et qu’elles mangeront à leur faim. Si au contraire, elles avaient fait l’expérience d’être mal traitées, battues ou affamées, non seulement elles arrêteraient de suivre sa voix mais plus encore, elles s’enfuiraient loin de lui.
De nos jours au Québec, il est plutôt rare que nous entendions parler de pasteur et de brebis. On parle plutôt de coachs et de cochés. Il y a des coachs dans tous les domaines . Dans les sports, dans les entreprises, dans les industriels et dans presque tous les professions. À ces coachs d’équipe, s’ajoutent des coachs personnels qui aident des individus à retrouver la confiance en eux-mêmes, à gérer leurs émotions ou à régler des relations conflictuelles. Ce que l’on demande à ces coachs ce de nous aider atteindre notre objectif.
Si notre objectif est de connaître Dieu pour marcher dans ses voies et de vivre éternellement avec Lui, Jésus est le coach qu’il nous faut. Il a toutes les qualités d’un bon coach. Il a de l’expérience, Il sait de quoi Il parle et surtout Il a atteint lui-même son objectif.
Jésus a de l’expérience. Bien que de condition divine, Jésus a expérimenté à fond notre condition humaine.Né d’une femme, Il a grandi et vécu dans le petit village de Nazareth où Il a exercé le métier de charpentier. Reconnu homme à son aspect, Il a goûté à nos joies et à nos peines comme aussi à la difficulté de gagner sa vie et d’établir de bonnes relations avec tout le monde. De plus comme nous le souligne l’auteur de la lettre aux hébreux : Il a été éprouvé en toutes choses tout comme nous à l’exception du péché.
Quand Jésus nous parle de Dieu, Il sait de quoi il parle. Étant Lui-même Dieu né de Dieu, lumière né de la lumière, Jésus connaît Dieu de l’intérieur. C’est pourquoi Il peut nous en parler en toute connaissance de cause et en vérité. « Le Père et Moi, nous sommes uns » dirait-il un jour à ses disciples.
Personne ne pourra donc jamais nous parler de Dieu comme Jésus nous en a parler puisqu’Il est la Parole vivante de Dieu. « Personne n’a jamais vu Dieu, écrit saint Jean, si ce n’est le Fils unique qui nous l’a fait connaître ».
Enfin, comme tout bon coach, Jésus a atteint lui-même son objectif. Il n’a pas reculé devant la souffrance et même la mort pour nous révéler à quel point Dieu nous aime. Aussi Dieu l’a-t-il ressuscité pour qu’Il devienne la Porte du royaume des cieux pour tous ceux et celles qui croient en Lui.
Frères et soeurs
Avec Jésus, comme coach dans la vie spirituelle, nous sommes sûrs d’atteindre notre objectif car Jésus a un atout nul autre coach a. Il peut nous donner son Esprit comme nous l’a dit Saint Pierre dans la première lecture. Cet Esprit de force et de sainteté que Jésus nous donne est un peu comme une GPS intérieur qui nous trace un itinéraire pour atteindre notre destination. Même si parfois nous nous écartons de notre itinéraire pour quelques raisons que ce soit, l’Esprit-Saint, notre GPS intérieur, nous trace un nouvel itinéraire à partir de l’endroit même où nous sommes. Même si l’itinéraire change, la destination demeure la même. Soyons en certains, avec l’Esprit Saint comme GPS intérieur nous atteindrons notre objectif à condition de ne pas fermer notre GPS.


30-04-2023 /  5e Dimanche de Pâques (Dom André)

5e Dimanche de Pâques

Frères et Sœurs, Jésus, le Fils bien-aimé du Père éternel, est entré dans l’espace et le temps de notre histoire en se faisant l’un de nous. Et tout son message est de nous révéler son Père et le message d’amour de Dieu. Il nous invite à croire que toutes les distances qu’introduisent dans nos vies le temps et l’espace vont disparaître. Il garde certains images d’espaces comme celle de plusieurs demeures dans notre maison d’éternité mais il joue aussi sur un registre plus difficile à comprendre quand il mentionne l’unité intime entre son Père et lui , entre nous et lui et qu’il nous révèle que le Père ne cherche pas des gens qui l’adorent dans des églises, des synagogues, des mosquées, des tentes, mais qui l’adorent en esprit et en vérité, qui communient à lui en devenant son corps et sang, en accueillant son souffle de vie, en vivant en accord avec son esprit et sa volonté. Dans la foi c’est bien le chemin que nous voulons prendre mais comment faire pour reconnaître ce chemin ? Depuis l’exode au désert en route vers la terre promise, le psalmiste (PS 49)n’a-t-il pas dit : sur le chemin qu’il aura pris je lui ferai voir le salut de Dieu. Il n’y a donc pas un chemin tout fait, tout tracé d’avance, unique, à trouver et à emprunter pour aller vers un Dieu qui vient sans cesse au-devant de nous. Et puis, il faut bien le reconnaître, nous, nous sommes malgré tout, malgré la résurrection de Jésus et la vie nouvelle, encore soumis en bonne partie aux contingences de l’espace et du temps. Jésus a saisi tout cela et il nous donne la clé pour avancer : Je suis le chemin. Personne ne va vers le Père sans passer par moi.
Le chemin de Jésus, nous le trouvons dans le mystère de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. Mais nous le trouvons aussi dans toutes ses paroles de vie et de liberté, à commencer par celles les plus précieuses qui nous indiquent le chemin à prendre pour le suivre et lui ressembler. Ses premières paroles commencent toutes par un mot de joie et un appel au bonheur : heureux, bienheureux. C’était le début de l’aventure, le guide pour vivre son évangile. Ces béatitudes sont bien connues dans une formulations qui risque de passer à côté de ce que nous vivons si nous ne cherchons à les actualiser, à les incarner dans notre quotidien. Essayons de mettre en relief la béatitude de la contemplation et la béatitude de la fraternité. Deux béatitudes au cœur de notre vie de moines mais aussi au cœur de tout être humain attiré par l’absolu de la foi et de l’amour.
Heureux les contemplatifs, les aurores des commencements sont à vous. Autrement dit, soyez vraiment contemplatifs, soyez des adorateurs en esprit et en vérité. Une parole décisive vous habite, laissez-la se lever en vous, regardez-la et écoutez-la. Accueillez sa lueur de Pâques qui vous appelle à n’être que vous, à vous dépouiller encore plus radicalement de l’illusion des biens matériels et commerciaux. Redevenez ce que vous êtes : des contemplatifs, des êtres capables de créer un espace d’accueil où d’autres peuvent être eux-mêmes en toute intimité et sécurité, sans jugement. Contemplez les autres qui sont toujours uniques et qui ont chacun une histoire sacrée. Contempler l’infini en vous et en eux. Des hommes et des femmes vous appellent à être là, à être pleinement ce que vous êtes, pour être, eux, simplement moins seuls dans leur recherche. Soyez contemplatifs. Jésus aurait pu dire soyez mystiques. Mais contemplatifs, c’est une invitation à oser une foi qui n’est pas encore toute dite ou il y a encore de l’inédit. Il sont si nombreux les hommes et les femmes en quête de nouveaux mots et de nouveaux rites. Entendez-les, encouragez-les. Puisez dans votre liberté intérieure de priants ce qu’il faut pour accompagner ceux et celles qui sont loin d’être des mécréants mais qui sont si souvent des criants ne trouvant pas de mots et de rites pour vraiment dire ce qui monte et parle et eux. Soyez là pour eux.
Heureux les fraternels. Les inondations à proximité de chez nous nous ont révélé ces jours-ci que nous sommes capables de nous lever, de nous mobiliser, de nous dépasser et d’aider là où l’urgence nous appelle. Il y a donc un véritable fond d‘humanité et de fraternité mais c’est hélas, bien souvent pour un jour, pour un temps assez court, pour la durée d’une émotion. Mais l’horizon quotidien ne conserve pas assez longtemps la trace de ce fraternel dont nous avons tant besoin dans notre monde. Ce lien du frère, de la sœur, est inscrit sur le chemin de Jésus. Il est béni car nous sommes tous nés du même Père éternel et nous sommes en route vers Lui, ensemble. Plus nous creusons notre dimension contemplative, plus ce sentiment aigu de notre fraternité universelle nous interpelle envers les migrants, les exilés, les inconnus, les marginaux, les itinérants de toutes sortes d’errances, proches de nous ou ailleurs dans notre maison commune. Nous sommes les gardiens de la galaxie mais plus encore les gardiens de nos frères et sœurs en humanité, non pas à la manière de super héros mais comme des êtres attentifs en toute humilité et douceur aux blessures de la chair, du cœur, de l’âme des uns et des autres.
Jésus nous a donné de nombreuses béatitudes comme autant de chemins de vie et de joie vers le Père. À nous d’emprunter ces chemins, de les incarner concrètement et de découvrir de quelle vérité et de quelle vie, ces chemins sont porteurs. Et alors nous comprendrons avec beaucoup de joie que Jésus est le chemin, mais aussi la vérité et la vie… de tout ce que nous cherchons pour nous et pour les autres. Et notre cœur ne sera plus troublé et bouleversé. Il sera en paix et en joie.


4-06-2023 /  Dimanche de la Trinité (Frère Bruno-Marie)

Dimanche de la Trinité

Frères et soeurs
Nous célébrons aujourd’hui le plus grand mystères de notre Foi, celui de la Sainte Trinité : un seul Dieu en trois personnes. Ce mystère est tellement invraisemblable (un Dieu en trois personnes) qu’il ne peut qu’être vrai. Qui aurait pu imaginer un Dieu en trois Personnes? Et qui pourrait y croire sans le don de la foi?
Les juifs et les musulmans tout comme les chrétiens croient en un Dieu unique. Mais les chrétiens sont les seuls à croire qu’il y a en ce Dieu unique : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Scandale pour les juifs et folie pour les grecs, mais pour nous qui croyons : révélation de Dieu.
Puisque ce mystère de la Sainte Trinité est le plus grand de tous les mystères de notre foi, je ne tenterai pas de vous l’expliquer. Je vais plutôt vous parler de chacune des personnes qui la composent en m’inspirant de l’architecture de notre église.
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Par la grande baie vitrée qui est derrière moi vous pouvez admirer la belle création de Dieu avec ses arbres, sa montagne et son ciel , Toute cette oeuvre de création est traditionnellement attribuée à Dieu le Père. « Je crois en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre » Chantons-nous dans notre credo. Tout, absolument tout a été créé par Dieu; le ciel et la terre, les êtres visibles et invisibles. « Et Dieu n’a de dégoût pour aucune de ses créatures, car s’Il en avait eu dégoût Il ne l’aurait pas créée, nous dit le livre de la Sagesse.
Ce Dieu Père et créateur de tout, première personne de la Sainte-Trinité, nous a parlé en ces temps qui sont les derniers par son Fils unique, Jésus Christ notre Seigneur, la deuxième personne de la Sainte Trinité.
Dans le sanctuaire où je me trouve. Le Christ, la deuxième personne de le Trinité, est représenté par l’autel. C’est pourquoi nous nous inclinons devant l’autel chaque fois que nous entrons dans l’église, parce qu’il représente le Christ.
Toujours dans le sanctuaire, à la gauche de l’autel par rapport à vous, il y a l’ambon sur lequel nous déposons les livres saints. Chaque fois que ces livres sont lus durant nos assemblées, c’est le Christ lui-même, Parole vivante de Dieu et deuxième personne de la sainte Trinité qui s’adresse à chacun et chacune de nous. Enfin, à la droite de l’autel, toujours dans le sanctuaire, se tient le Président qui comme son nom l’indique préside à la prière communautaire, actualise par son homélie la Parole de Dieu et offre le sacrifice eucharistique au nom de l’assemblée « in persona Christi » en la personne du Christ.
L’ assemblée à laquelle s’adresse la Parole de Dieu, ici composée de moines et de laïcs, se retrouve dans la nef de l’église, en face au sanctuaire. C’est l’Esprit Saint, la troisième personne de la Sainte Trinité, qui nous a rassemblé ce matin pour écouter la Parole de Dieu et pour lui rendre grâce par son Fils Jésus-Christ.
Comme on peut le voir, au mouvement descendant du Père créateur qui nous parle par son Fils Jésus Christ et agit en nos coeurs par l’Esprit-Saint répond un mouvement ascendant qui part de l’Esprit-Saint qui vit en nos coeurs pour remonter vers le Père par son Fils Jésus-Christ. Dans notre Eucharistie ce mouvement ascendant atteint son sommet dans la très belle doxologie : Par Lui, avec Lui et en Lui, à toi Dieu le Père tout-puissant dans l’unité du Saint-Esprit tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. Amen.
Frères et soeurs
Ces trois personnes de la Sainte Trinité: le Père, le Fils et le Saint-Esprit, que j’ai séparées pour vous en parler, sont bien sur toujours unies entre elles et ne forment qu’un seul Dieu.. C’est la Trinité toute entière qui créé la belle nature que nous admirons, c’est aussi la Trinité toute entière qui nous parle par Jésus Christ, comme c’est aussi la Trinité toute entière agit en nos coeurs par l’Esprit Saint. C’est d’ailleurs là au fond de nos coeurs qu’il faut descendre pour adorer la Sainte Trinité en esprit et en vérité.
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4-06-2023 /  11e Dimanche TO A (Frère Yvon-Joseph)

Jésus « saisi de compassion », ainsi que nous venons de le voir et de l’entendre dans l’évangile, nous fait découvrir un Dieu au visage humain, un Dieu attentif aux souffrances qui défigurent l’humanité de différentes façons…. Pourtant, à toutes les époques de l’histoire et aujourd’hui encore, des hommes et des femmes rejettent Dieu parce qu’ils le perçoivent comme un Dieu indifférent à la souffrance humaine, insensible à leurs propres souffrances… Parfois, ils en arrivent même à le considérer comme le grand responsable des situations qui les angoissent.
Pourtant, Jésus, lui, nous fait voir un tout autre visage de Dieu et, en tant que Fils de Dieu, il est lui-même le visage d’un Dieu qui s’est fait proche au point de s’incarner dans notre condition humaine. Avec saint Paul, nous pouvons affirmer : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs », c’est-à-dire alors que nous étions encore aux prises avec le péché qui nous fait souffrir et qui fait souffrir les autres… Nous sommes loin d’un Dieu indifférent qui nous laisserait croupir dans nos épreuves !
Aujourd’hui, les souffrances qui accablent tant de personnes, et parfois des populations entières, ne dénoncent pas l’indifférence de Dieu, comme certains l’en soupçonnent ou l’en accusent … Ces souffrances, qu’elles soient proches de nous ou lointaines, dénoncent plutôt les péchés de l’humanité et nos péchés personnels… Elles dénoncent nos lenteurs et nos refus à nous engager résolument avec Jésus sur les chemins de la compassion… Les cris de douleur de toutes les victimes et de tous les cœurs blessés n’accusent pas Dieu ; ils nous interrogent plutôt nous-mêmes, leurs frères et leurs sœurs en humanité : « Qu’as-tu fait de ton frère ? Qu’as-tu fait de ta sœur ?...
Dans l’évangile, Jésus envoie ses premiers disciples en mission, avec des consignes bien précises : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons… » Ce sont des consignes qui invitent à faire reculer les frontières de toute souffrance et, aujourd’hui, cette mission, Jésus la confie à tous ceux et celles qui croient en lui, donc à chacun et chacune de nous.
Cette mission, si nous l’acceptons, en tant que croyants et croyantes, elle nous engage à intervenir contre tout ce qui est cause de souffrances et surtout à ne pas être nous-mêmes une source souffrance pour les autres… Cette mission, si nous la faisons nôtre à la suite de Jésus compatissant, elle nous engage à poser des gestes et à entreprendre des démarches qui apportent soulagement et guérison … Pour en arriver là, nous avons d’abord besoin d’accueillir la compassion de Jésus envers nous-mêmes, dans notre vie personnelle…
Dans la foule qu’il regarde avec des yeux et un cœur de compassion, Jésus voit chacun et chacune personnellement et c’est ce regard d’amour compatissant qui guérit et qui sauve… La compassion de Jésus envers les foules fatiguées et abattures d’aujourd’hui embrasse aussi chacun et chacune dans sa souffrance la plus secrète… Si nous savons reconnaître que nous avons personnellement besoin de cet amour compatissant de Jésus et si nous l’accueillons avec confiance, nous deviendrons à notre tour capables d’une véritable compassion envers les autres, conscients de partager avec eux une grâce que nous avons reçue… « Vous avez reçu gratuitement, nous dit Jésus : donnez gratuitement » … C’est ce mystère de gratuité qui pourra nous guérir et guérir toute l’humanité de ses souffrances… Ne cherchons pas ailleurs d’autres remèdes à nos souffrances et aux souffrances du monde !


4-06-2023 /  13e Dimanche TO A (Frère Bruno-Marie)

Qui aime son père et sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi. qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de Moi.
Frères et soeurs
Ces paroles de Jésus, que nous venons d’entendre, peuvent nous sembler dures à entendre et de fait, elles le sont. On pourrait dire d’elles ce que les juifs disaient des paroles sur le du pain de vie : « ces paroles sont dures, qui pourraient les entendre? »
D’abord destinées aux premiers chrétiens qui souvent devaient renoncer à leurs relations familiales pour suivre Jésus, ces paroles furent par la suite appliquées à ceux et à celles qui voulaient suivre Jésus dans la vie religieuse. Aujourd’hui encore en de nombreux pays, des chrétiens et des chrétiennes doivent renoncer à leur famille pour suivre Jésus. Ici au Québec, dans notre climat d’indifférence, nous sommes pas persécutés, mais il peut arriver parfois que nous ayons à prendre nos distances par rapport à certaines relations pour pouvoir vivre notre religions en paix loin des tracasseries et des moqueries.
Tout gardant à l’esprit, cette façon traditionnelle de comprendre ces paroles de Jésus, il m’est apparu dernièrement à la lumière de questions qu’on me posait une nouvelle façon ce les comprendre.
 On me demandait : « Pensez que nous allons revoir nos parents au ciel? Pensez-vous que nous allons revoir nos enfants au ciel? Pensez-vous que nous allons nous reconnaître au ciel? »
Comme vous vous en doutez bien, je ne suis jamais allé au ciel et comme chacun et chacune de vous , j’espère bien y aller un jour. Je suis cependant persuadés que nous allons revoir au ciel nos parents, nos enfants ainsi que tous ceux et celles que nous avons aimés sur terre. Mais je crois aussi que c’est Jésus nous allons d’abord reconnaître et aimer en chacune de ces personnes. Lui qui sera tout en tous.
Vous comprenez bien qu, au ciel, quand nous serons en présence de Jésus, il serait vraiment indigne de Lui que de Lui préférer quelqu’un d’autre ne fusse la personne la plus aimée sur terre.
Vues sous cette angles, ces paroles de Jésus qui nous paraissaient si dures à entendre deviennent une invitation à reconnaître et à aimer Jésus dans chacune de nos relations comme nous le ferons au ciel.
Cet amour préférentiel pour Jésus ne diminue en rien l’amour que nous avons pour nos parents et nos enfants. Au contraire il le multiplie puisque nous devons aimer Jésus présent en eux de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos force.
Frères et soeurs
Jésus est Dieu et à ce titre, Il mérite d’ être aimé plus que tout. Que vaudrait en effet un Dieu qui ne serait pas digne d’être aimé plus que tout et que tous.

4-06-2023 /  14e Dimanche TO A (Dom Yvon-Joseph)

« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits », vient de nous dire Jésus. Je vois une illustration de cette parole dans un fait rapporté par un missionnaire en Amérique du Sud :
Sur un sentier raide et pierreux
j’ai rencontré une petite fille
qui portait sur le dos son jeune frère
« Mon enfant, lui dis-je,
tu portes un lourd fardeau ».
Elle me regarda et dit :
« Ce n’est pas un fardeau,
Monsieur, c’est mon frère ! »
Quelle réponse formidable, quelle parole inspirée et inspirante : « Ce n’est pas un fardeau, c’est mon frère ! » Ce que dit cette petite fille, nous pouvons penser que Jésus le déclare à chacun et chacune de nous aujourd’hui : « Pour moi qui vous sauve, vous n’êtes pas un fardeau, vous êtes mes frères, vous êtes mes sœurs, et je viens vous aider à porter vos fardeaux ! ». C’est ce qu’il vient de nous rappeler dans l’Évangile de ce dimanche : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos ». Puissent ceux et celles parmi nous qui portent de lourds fardeaux – parfois des fardeaux secrets qui demeurent cachés aux autres –, puissent ces personnes accueillir la promesse faite par Jésus aujourd’hui comme une bonne nouvelle, comme un soulagement et un allégement du fardeau qui les écrase physiquement ou spirituellement…
Jésus poursuit sa promesse en disant : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme ». Le pape François nous offre un beau commentaire de cette promesse faite par Jésus:
« Le joug du Seigneur consiste à se charger du poids des autres avec amour fraternel. Une fois que l’on a reçu le repos et le réconfort du Christ, nous sommes appelés à notre tour à devenir repos et réconfort pour nos frères et nos sœurs, avec une attitude douce et humble, à l’imitation du Maître ».
Et le Pape poursuit sa réflexion en précisant :
« La douceur et l’humilité du cœur nous aident non seulement à prendre en charge le poids des autres, mais aussi à ne pas peser sur eux par nos vues personnelles, nos jugements, nos critiques ou notre indifférence ».
Réflexion très juste et bien concrète, comme sait le faire le pape François : si nous ne pouvons pas prendre en charge le poids des autres, au moins ne leur rendons pas ce poids plus lourd par nos jugements catégoriques ou notre froide indifférence !
Lorsque nous écoutons la Parole de Dieu, et tout particulièrement les paroles de Jésus dans l’Évangile, nous découvrons qu’avec Dieu, il y différentes manières de trouver le repos … On peut se reposer avec Dieu et même se reposer en Dieu dans la prière de louange ou dans l’adoration silencieuse… On peut se reposer avec Dieu et sur Dieu, en s’appuyant sur lui, en comptant sur lui pour apprendre à mieux gérer une situation pénible qui nous affecte, pour surmonter un obstacle qui barre notre route, ou encore pour traverser une épreuve qui nous tombe dessus à l’improviste !... Oui, grâce à notre foi, nous pouvons nous reposer avec Dieu, en Dieu et sur Dieu…
Dans un moment de silence, prenons le temps de nous rappeler les expériences de repos que nous avons déjà vécues avec Dieu et rendons-lui grâce … Et si nous n’en trouvons pas, ouvrons nos cœurs à l’espérance de pouvoir nous reposer un jour avec Dieu, en Dieu et sur Dieu…
 


4-06-2023 /  Saint Benoît (Dom Yvon-Joseph)

Saint Benoît a été avant tout un moine assoiffé de « vie véritable et éternelle », comme il l’exprime lui-même. Cette vie, il l’a trouvée dans l’Évangile, il l’a trouvée dans le Christ… et alors il n’a eu qu’un but : conduire ses frères moines à l’Évangile dans toute sa richesse et sa beauté ; conduire ses frères au Christ, en leur apprenant à « ne rien préférer à l’amour du Christ » !
Dans la lignée des sages de tous les temps, particulièrement des sages de la Bible, saint Benoît précise dès le début de la Règle, que le véritable enjeu de nos vies personnelles se situe au niveau de notre cœur : « Écoute, mon fils… et prête l’oreille de ton cœur… ».
Dans les béatitudes que nous venons d’entendre, Jésus lui aussi nous tourne vers notre cœur :
Heureux les pauvres de cœur… ceux qui ont surmonté tout orgueil et tout égoïsme…
Heureux les doux… ceux dont le cœur de pierre est devenu un cœur de chair…
Heureux les miséricordieux… ceux dont le cœur se fait compatissant à la souffrance des autres…
Heureux les cœurs purs… ceux dont le cœur devenu transparent de lumière et de bonté…
Et les autres béatitudes, à leur façon, nous parlent d’attitudes qui ne peuvent s’enraciner qu’au plus profond de notre être :
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice…
Heureux les artisans de paix…
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice…
Saint Benoît, en fidélité à l’Évangile et en véritable disciple du Christ, le Fils de Dieu qui s’est fait chair, nous présente une vision très incarnée de la vie spirituelle : une vie qui monte de notre cœur habité par Dieu et qui s’incarne progressivement dans tout notre être, corps et esprit. C’est l’orientation qu’il donne dès le prologue de sa Règle : il ne prétend pas supplanter l’Évangile, mais nous y conduire le plus directement et le plus limpidement possible. Il faut préparer nos cœurs et nos corps, affirme-t-il, aux combats de la sainte obéissance à ses commandements, c’est-à-dire : aux commandements de Dieu que l’Évangile éclaire et conduit à leur perfection, dans l’unique et grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain.
Sur les pas de l’Évangile et de saint Benoît, la vie spirituelle n’est jamais une façon de nous désincarner… Elle est plutôt un chemin pour transformer notre corps de chair en demeure de Dieu, en sanctuaire de l’Esprit Saint, de manière à anticiper déjà notre corps de gloire, lorsque nous serons totalement et parfaitement unis au Christ Ressuscité dans la gloire du Père !
C’est notre vie personnelle, c’est notre vie communautaire et notre vie en Église, qui sont appelées à entrer dans ce dynamisme de transformation de manière à devenir un seul corps dans le Christ, ainsi que nous l’a rappelé saint Paul : Ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit (Ép 4, 3-4).
De cette manière, à la suite du Christ et de Saint Benoît, la vie spirituelle s’enracine dans le plus secret de nos cœurs et elle en vient à s’épanouir dans la visibilité de nos corps personnels et du corps communautaire et ecclésial que nous formons tous ensemble.
C’est ainsi que la vie spirituelle devient une source d’unification de tout notre être et elle ouvre devant nous des chemins de conversion personnelle et communautaire. Tout en dilatant nos cœurs dans l’amour du Christ à qui nous ne voulons rien préférer, elle les rend capables de nouveaux progrès dans la vie fraternelle… Elle ouvre également les yeux de notre cœur à la contemplation de ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment : Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu… Un théologien donne un beau commentaire de cette béatitude : Deux fois heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu, et par eux Dieu se fera voir (Henri de Lubac) !


4-06-2023 /  16e Dimanche TO A (Frère Bruno-Marie)

Frères et soeurs
L’évangile selon saint Matthieu que nous venons d’entendre a été écrit environ une cinquantaine d’années après la mort de Jésus. Durant tout ce temps, les apôtres ont annoncé la Bonne Nouvelle de mémoire en racontant leurs souvenirs de Jésus, de son enseignement et surtout de sa mort et de sa résurrection.
Ce n’est qu’avec le temps que l’on sentit le besoin de mettre par écrit leurs dires pour pouvoir s’en rappeler et les transmettre aux générations à venir. Et si parmi tous les enseignements et les paroles de Jésus on a cru bon de retenir la parabole du bon grain et de l’ivraie que nous venons d’entendre, c’est que déjà dans l’Église naissante, il y avait dans les communautés chrétiennes des sources de scandales. Déjà, dès les débuts de l’Église, des chrétiens et des chrétiennes se demandaient: « Pourquoi tolère-y-on ces scandales dans l’Église? Qu’attendent nos chefs pour y mettre fin?
Ces questions vieilles de 2000 ans se reposent encore aujourd’hui face aux abus de toutes sortes qui ont eu lieu dans l’Église ces dernières années. « Pourquoi les papes et les évêques n’ont-ils pas agi plus vite? Pourquoi ont-ils fermé les yeux sur certains dossiers? » Pour le moment nous ne connaissons pas encore les réponses. Peut-être l’histoire nous la livrera-t-elle un jour!
Des scandales, il y en a toujours eu dans l’Église et il y en aura encore tout simplement parce que nous sommes une Église composée de pécheurs.Mais la nouveauté avec les scandales aujourd’hui , c’est la rapidité avec laquelle ils sont connus. Un scandale se produit-il dans un coin perdu du fin fond de l’univers qu’il est connu du monde entier dans l’heure qui suit. Ce qui fait la joie des médias qui s’empressent d’en faire une nouvelle à sensation.
Cet accumulation de scandales qui ne cessent de faire la une des médias a pour conséquence que de nombreux catholiques aujourd’hui ont pris leurs distances face à l’Église; soit par honte, soit par dépit, soit qu’ils se sentent trahis par une institution dans laquelle ils avaient mis leur confiance. Ce n’est pas à nous de les juger, car il peut nous arriver à nous aussi d’être gênés de nous dire catholiques dans telle ou telle occasion.
Ce qui fait que nos églises se vident et que la parole de l’Église a de moins en moins de crédibilité sur la place publique.
Sommes-nous les derniers des Mohicans comme on dit? Notre Église est-elle en train de mourir? En un sens oui. Tout comme le grain de blé tombé en terre doit mourir pour renaître à nouveau, ainsi l’Église, telle que nous l’avons connue et la connaissons présentement, doit mourir à elle-même pour donner naissance à une nouvelle forme Église mieux adaptée au monde de ce temps et aux générations à venir. Tel est le but du synode sur la synodalité ( ou sur l’avenir de l’Églies)qui s’ouvrira à Rome en octobre prochain.
Frères et soeurs.
Ce n’est pas la première fois au cours de l’histoire que l’Église traverse une crise qui la secoue en profondeur. Ce n’est pas la première fois non plus qu’Elle doit mourir à une manière d’être pour renaître à une autre. C’est nous qui sommes le lien entre cette Église qui se meurt et celle qui va renaître. Par notre humilité, notre patience et notre persévérance à suivre Jésus dans dans cette situation inconfortable, nous sommes la graine de moutarde, la plus petite de toutes les graines pourtant destinée à donner un grand arbre. Nous sommes le levain fera lever toute la pâte. Malgré notre notre petit nombre et notre faiblesse apparente, nous sommes l’espoir de l’Église. L’avenir de l’Église repose sur notre fidélité.

6-08-2023 /  Transfiguration A (Dom Yvon-Joseph)

Sur la montagne de la Transfiguration, Jésus laisse apparaître la gloire dont est tissé tout son être de fils de Dieu, cette « gloire qu’il avait auprès du Père avant le commencement du monde » (cf. Jn 17, 5) : la gloire d’être aimé de Dieu ! Aux disciples, témoins de cette manifestation exceptionnelle de lumière, Dieu le Père déclare : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve toute ma joie : écoutez-le ! ».
« Écoutez-le », nous dit Dieu en nous présentant son Fils Jésus… Et écouter Jésus, c’est aussi écouter Dieu son Père, comme il l’affirme lui-même dans l’Évangile : « La parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père qui m’a envoyé » (Jn 14, 24). Et pour bien les écouter l’un et l’autre, nous avons besoin de faire place au silence… Écouter en vérité ne va pas sans silence extérieur et, surtout, sans silence intérieur…
Un retraitant qui a passé la fin de semaine dernière à notre hôtellerie, nous a laissé ce mot au moment de son départ : « Je ne me doutais pas que le silence avait tant de choses à dire ! ». En fait, c’est Dieu, qui dans un silence inspiré par la foi, a beaucoup de choses à nous dire, et parfois une seule parole, nous répétant qu’il nous aime, que nous sommes aussi pour lui ses enfants bien-aimés… Il peut même arriver alors que Dieu semble se taire et que nous soyons plongés dans un silence bienfaisant, rempli de sa présence aimante…
Un jour où l’on demandait à Mère Térésa ce qu’elle disait à Dieu dans sa prière, elle a répondu : « Je ne lui dis rien, je l’écoute » Et, non sans curiosité, on lui a demandé : « Et qu’est-ce que Dieu vous dit ? ». Elle a répondu : « Il ne me dit rien, il m’écoute ! ». Loin d’être une façon de s’esquiver, cette réponse de Mère Térésa oriente plutôt notre regard vers le mystère de la prière : une écoute mutuelle entre Dieu et nous, une écoute aimante entre Dieu et nous qui se vit dans un silence fait de confiance et d’adoration !
C’est cette expérience qui a le pouvoir de transfigurer notre vie comme elle a transfiguré la vie de Jésus, car elle devient pour chacun et chacune de nous l’assurance absolue d’être aimé.e de Dieu, qui nous rend inébranlables en quelque sorte, ainsi que l’affirment plusieurs psaumes. Cette assurance absolue devient le terrain sur lequel nous pouvons construire notre vie au jour le jour, en surmontant épreuves et souffrances, en triomphant des obstacles et des difficultés, comme Jésus a pu traverser la souffrance et la mort de la croix en s’appuyant sur l’amour de Dieu son Père…
Il est intéressant d’observer que c’est là le premier message que le pape François a choisi de livrer aux milliers de jeunes réunis au Portugal pour célébrer les Journées mondiales de la jeunesse… À ces jeunes friands de nouveautés et habitués à zapper sur leurs différents appareils électroniques, le Pape a choisi de redire cette parole : « Dieu nous aime… ». Parole qui n’est pas nouvelle, mais qui a le pouvoir de faire toutes choses nouvelles dans la vie de ces jeunes et dans la vie de chacun et de chacune de nous, si nous l’accueillons avec une foi profonde… Et le Pape a conclu son discours d’accueil auprès de ces jeunes, en insistant :
« Dieu nous aime, Dieu nous aime tels que nous sommes, et non pas tels que nous voudrions être ou tels que la société voudrait que nous soyons : tels que nous sommes. Il nous aime avec les défauts que nous avons, avec les limites que nous avons et avec le désir que nous avons d’avancer dans la vie ».
 
Cette parole adressée aux jeunes, nous pouvons l’accueillir nous aussi à la lumière de la Transfiguration de Jésus : « Dieu nous aime…! » Ce n’est pas une idée à faire entrer de force dans notre tête, à coup d’autosuggestions… Mais une lumière à accueillir dans la foi… Une parole que seul l’Esprit Saint peut graver tout doucement dans notre cœur de croyants et de croyantes, de manière que rien ne puisse l’effacer et que nous ne puissions plus l’oublier : « Dieu nous aime ! ». Écoutons-le !
 


6-08-2023 /  21e Dimanche A (Dom Yvon-Joseph)

Ce dialogue que nous venons d’entendre entre Jésus et Pierre, il nous donne beaucoup à découvrir… Dans un premier temps, il nous fait voir qui est Jésus pour l’apôtre Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Ce dialogue nous fait voir également qui est l’apôtre pour Jésus qui lui déclare : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église… » Les deux, Jésus et Pierre, vivent une rencontre au plus profond de leur être, comme s’ils se révélaient l’un à l’autre ce qu’ils sont en vérité… Non pas que Pierre puisse révéler à Jésus qui il est, mais parce que lui, Pierre le disciple, il a été rendu capable de s’ouvrir au mystère de son Maître… Et Jésus, lui, révèle à Pierre qui il est, ou plutôt qui il sera, qui il deviendra s’il répond fidèlement à la vocation reçue de Dieu… 
Ce dialogue unique entre Jésus et Pierre nous révèle ce qui peut nous advenir à chacun et chacune de nous personnellement lorsque nous rencontrons Jésus en vérité que ce soit dans la prière silencieuse, dans l’accueil et l’écoute de sa Parole, ou dans la célébration des sacrements, tout spécialement le sacrement de l’eucharistie, ainsi que nous le vivons en ce moment… Chaque fois que nous rencontrons Jésus en vérité, non seulement nous devenons capables de mieux le connaître, de mieux découvrir ce qu’il est pour nous et ce qu’il apporte à notre vie, mais nous devenons aussi capables de mieux nous connaître nous-mêmes, de découvrir qui nous sommes pour lui et d’accueillir la mission qu’il nous confie… Chaque fois que nous rencontrons Jésus dans le mystère de son être de Fils de Dieu, dans sa vocation de Messie et de Sauveur, nous sommes conduits également à mieux découvrir qui nous sommes pour Dieu, qui est Dieu pour nous et ce qu’il attend de nous…
Cette rencontre très particulière entre Jésus et Pierre vient ainsi éclairer non seulement les rencontres que chacun et chacune de nous pouvons avoir avec Jésus, mais elle vient aussi éclairer les diverses rencontres que nous pouvons vivre entre nous, avec nos frères et avec nos sœurs, lorsque nous les vivons dans l’ouverture et la confiance mutuelle… Des rencontres fraternelles authentiques nous conduisent nous aussi à la vérité de notre être : elles viennent nous révéler ce qui nous habite en profondeur, elles nous dévoilent ce que nous sommes appelés à devenir en développant le meilleur qui est en nous, en faisant fructifier les dons que nous avons reçus de Dieu…
Mes frères et mes sœurs, nous n’en sommes sans doute pas toujours conscients, mais c’est là le grand enjeu qui se trouve au cœur de nos relations quotidiennes : faire que ces relations éveillent en nous le meilleur et qu’elles nous révèlent notre beauté d’enfants de Dieu.
Jésus déclare à Pierre : « Heureux es-tu… Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux… » De même pour nous, lorsque dans l’amour mutuel nous savons reconnaître les richesses de chacun et de chacune et notre vocation unique, ce n’est pas la chair et le sang qui nous révèlent cela, ce n’est pas la sympathie naturelle qui nous rend capables de voir cela, mais notre Père des cieux, lui qui répand en nos cœurs l’Esprit de son Fils… Voir nos frères et nos sœurs en Dieu et voir Dieu en nos frères et en nos sœurs, ça dépasse nos capacités humaines… C’est la marque de l’Esprit Saint, à l’œuvre dans nos coeurs !
Mes frères et mes sœurs, lorsque à la suite de l’apôtre Pierre notre foi nous inspire de dire à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! », prenons le temps de l’écouter lui aussi, de l’entendre nous dire qui nous sommes pour lui… Et si nous savons l’écouter, nous apprendrons de lui comment nous révéler les uns aux autres qui nous sommes en vérité… Par grâce de Dieu, nous serons les uns pour les autres le reflet de ce que Jésus a été pour l’apôtre Pierre !



6-08-2023 /  23e Dimanche A (Dom Yvon-Joseph)

La Parole de Dieu aujourd’hui nous fait voir la profonde solidarité qui nous unit les uns aux autres dans l’amour reçu de Dieu, notre Père adoptif :
- Par le prophète Ezéchiel, le Seigneur nous demande d’avoir le courage d’avertir ceux qui font le mal pour qu’il s’en détourne.
- Pour sa part, saint Paul, nous donne une directive très claire : « N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel ».
- Enfin Jésus, dans l’évangile, nous indique quel comportement nous devons prendre si nous souffrons du mal commis par un autre.
La Parole de Dieu aujourd’hui est claire, pas compliquée à comprendre : ce qui est plus compliqué, c’est de trouver comment la mettre en pratique dans nos relations au jour le jour… Jésus connaît bien notre cœur et il sait qu’il n’est pas toujours facile d’entreprendre et de réussir de telles démarches…Il sait que nous pouvons faire face à des blocages – en nous-mêmes ou chez les autres – alors il conclut : « considère-le – considère ton frère, considère ta sœur – comme un païen et un publicain ». Ici, il est important de bien comprendre cette consigne. Jésus ne dit pas : « ignore-le, rejette-le, méprise-le… » Comprendre la parole de Jésus de cette façon, ce serait ignorer comment Jésus s’est comporté avec les païens et les publicains durant ses années de ministère. Jamais il ne s’est détourné d’eux… Au contraire, il s’est approché d’eux, il s’est assis à table et a mangé avec eux… Il a même choisi des apôtres parmi eux… Un jour il est allé jusqu’à déclarer aux pharisiens qui étaient scandalisés par sa conduite : « les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » (Mt 21, 31).
Lorsque Jésus déclare : « considère-le comme un païen et un publicain », c’est l’invitation à poser un autre regard et à passer à un autre niveau, lorsque nous rencontrons un blocage et un échec dans nos relations fraternelles… C’est une invitation à passer à un niveau plus profond et plus intérieur, en partageant dans la prière l’amour et la sollicitude que notre Dieu et Père éprouve envers ce frère ou cette sœur qui risque de se durcir dans une attitude de fermeture…
Notre prière devient l’acte le plus respectueux et le plus fraternel que nous puissions poser, personnellement et communautairement. Plutôt que de prendre des initiatives qui seraient mal reçues et qui risqueraient de jeter de l’huile sur le feu, plutôt que d’exprimer des paroles qui pourraient être interprétées comme un jugement ou une condamnation, nous choisissons alors de les aider par la prière, par le recours à la lumière de l’Esprit Saint qui seul peut éclairer et toucher les cœurs… Dans la prière, nous reconnaissons que nous demeurons toujours responsables les uns des autres, mais que notre capacité d’intervenir a des limites… Nous croyons que Dieu peut faire mieux que nous avec tout l’amour et la délicatesse dont lui seul a le secret…. Dans la prière, notre amour fraternel apprend à se faire patient, à la manière de Dieu, et plein d’espérance envers ce frère ou cette sœur, à qui nous choisissons de donner encore notre confiance…
Et n’oublions jamais la parole forte reçue de saint Paul aujourd’hui : « L’amour ne fait rien de mal au prochain ». Non seulement l’amour ne fait rien de mal au prochain, mais il lui souhaite du bien… Il lui souhaite de vivre une libération intérieure et de connaître la « vraie liberté », que nous avons demandée les uns pour les autres dans la première oraison de cette Eucharistie !




6-08-2023 /  27e Dimanche A (Dom Yvon-Joseph)

Par cette parabole de la vigne et des vignerons meurtriers, nous pressentons que le fils rejeté et tué est déjà l’annonce du sort qui sera réservé à Jésus… Car Jésus prononce cette parabole, alors qu’il vient d’entrer à Jérusalem, où, quelques jours plus tard, lui-même sera arrêté et mis à mort haineusement. Par cette parabole, nous pressentons aussi que Jésus nous apporte une révélation essentielle sur la manière d’agir de Dieu, devant les refus, les mépris et les rejets qu’il peut subir de la part de l’humanité…
En réponse à la question de Jésus, concernant le maître des vignerons, les grands prêtres et les anciens du peuple affirment : « Ces misérables, il les fera périr misérablement ». Cette réponse obéit à une stricte logique de vengeance et Jésus ne peut la cautionner d’aucune manière. Jésus peut encore moins accepter que c’est ce que Dieu fera pour venger sa mort à lui, le Fils bien-aimé du Père …
Pour Dieu et pour Jésus, il n’y a aucune perspective de vengeance ! Pour Dieu, il n’y a pas de misérables à faire périr misérablement ! Pour Dieu il n’y a que des fils, parfois rebelles et récalcitrants, mais des fils qui demeurent toujours ses enfants, des fils à qui il ne se lasse jamais d’offrir son salut et qu’il espère pouvoir accueillir à bras ouverts, comme le père de l’enfant prodigue…
C’est cette perspective tout à fait inattendue de ses interlocuteurs que Jésus va leur présenter en faisant référence à un passage du psaume 117 : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! » Jésus déplace ainsi l’attention et le regard des auditeurs de la parabole pour les tourner vers ce que Dieu va réaliser… Il détourne leurs yeux des vignerons qui donnent la mort pour les tourner vers Dieu qui donne la vie ! De même que la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle qui maintient tout l’édifice, de même le Fils crucifié, rejeté et éliminé affreusement, deviendra le Ressuscité qui donne la vie à tous ! « C’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! »
Alors que nous entendons ces paroles aujourd’hui, il est bon de nous rappeler que le passage du psaume 117 que Jésus a choisi est un des textes que les premiers chrétiens aimaient citer pour annoncer la résurrection de Jésus. Ce psaume, nous sommes heureux de le chanter nous-mêmes chaque dimanche, jour de la Résurrection du Seigneur, à la prière de Laudes.
Par cette parabole et par l’éclairage que Jésus en offre, nous faisons l’expérience des déplacements que l’Évangile vient opérer dans nos façons de voir et de penser... Comme les grands prêtres et les anciens du peuple au temps de Jésus, nous pouvons être tentés d’enfermer Dieu dans nos mesures étroites, rigides et mesquines. Jésus, lui, vient ouvrir nos esprits et nos cœurs à la démesure et à la gratuité du don de Dieu, son Père, à l’infini de se son amour…
Dimanche après dimanche, jour après jour, nous avons besoin que l’Évangile ne cesse d’éduquer nos esprits et nos cœurs – de les évangéliser, pourrions-nous dire – en les ouvrant à la révélation de Dieu et en nous faisant découvrir toujours mieux la merveille que Dieu a réalisée une fois pour toutes, et pour le salut de tous, dans la mort et la résurrection de son Fils : « C’est l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ! »




6-08-2023 /  30e Dimanche A (Dom Yvon-Joseph)

Aujourd’hui, à Rome, se termine le Synode qui a eu cours tout au long du mois d’octobre et que, de dimanche en dimanche, nous avons accompagné de notre prière… Certains peuvent se demander : que sortira-t-il de ce long temps d’écoute et d’échange ?
À la lumière de la Parole de Dieu qui vient d’être proclamée, j’espère qu’il en sortira « une Église plus compatissante », à la manière de Dieu qui s’est présenté à nous aujourd’hui, en disant : « Moi, je suis compatissant ! »… J’espère aussi qu’il en sortira « une Église plus aimante », dans la fidélité aux commandements que Jésus lui a confiés : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ». « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Alors qu’il réfléchissait à l’expérience vécue lors du Concile Vatican II, le pape Paul VI déclarait : « Plus tard l’historien se demandera : que faisait l’Église pendant le Concile ? » Et le Pape répondait : « L’Église aimait ! Elle aimait le Christ ! Elle aimait tous les hommes ! » Il me semble que nous pouvons faire la même affirmation concernant la première étape du Synode qui prend fin aujourd’hui et qui reprendra en octobre prochain pour une deuxième et dernière étape: « L’Église aimait ! Elle aimait le Christ, elle aimait toute l’humanité ! »
Aimer, c’est la seule et unique vocation de l’Église :
- Elle aime son Dieu, elle aime le Christ, visage incarné de Dieu, Dieu avec nous. Elle aime celui qui a déclaré : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 17).
- Elle aime l’humanité, ces hommes et ces femmes que Dieu a été le premier à aimer en leur donnant la vie, et qu’il est toujours le premier à aimer. Dès l’ouverture du Concile, le bon pape Jean XXIII avait osé affirmer : « L’Église a assez condamné ! ».
« L’Église a assez condamné ! » Malheureusement, il y en a qui s’ennuient de ce temps où Église était prompte à condamner et qui aimeraient la voir y revenir ! Heureusement, notre pape François poursuit le chemin de ses prédécesseurs saint Jean XXIII et saint Paul VI, comme témoin de notre Dieu compatissant et d’une Église qui aime.
Oui, « l’Église a assez condamné ! »… Sa vocation, c’est d’aimer, et nous avons tous à mieux en prendre conscience… Quand nous jugeons et condamnons, c’est nous que nous affirmons : c’est nous les bons, c’est nous qui avons raison, c’est nous que nous valorisons… Mais quand nous aimons, c’est l’autre que nous affirmons, c’est l’autre que nous reconnaissons dans son mystère unique d’enfant aimé de Dieu, c’est l’autre que nous valorisons… Il est important de bien identifier ce mécanisme qui est à l’œuvre dans nos jugements et nos condamnations : il est toujours plus tentant de nous valoriser nous-mêmes que de valoriser les autres…
Dans cette perspective, il est éclairant de noter que, Jésus n’a jamais dit : « Jugez et condamnez les pécheurs, afin de ne pas être jugés », mais, dans l’évangile selon saint Matthieu, il affirme avec force : « Ne jugez pas, pour ne pas être jugés : de la manière dont vous jugez, vous serez jugés » (Mt 7, 1-2a) et, dans l’évangile selon saint Luc, il dira tout aussi clairement : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés ». (Lc 6, 36-37a).
La vocation de l’Église, c’est d’annoncer le salut et de témoigner de la miséricorde et de l’amour du Dieu en qui elle croit. C’est ce qu’elle a cherché à faire lors du Concile Vatican II et lors de ce Synode. À son Église et à chacun et chacune de nous, Jésus redit aujourd’hui non pas « Tu jugeras », non pas « Tu condamneras », mais « Tu aimeras ! ».