HOMÉLIES

HOMÉLIES  2022 - 2023

Année liturgique ' A '

27-11-2022 /  Premier dimanche de l'Avent  (Dom André)

Premier dimanche de l'Avent


HOMÉLIE


Frères et Sœurs,

Entre le Notre-Père et l’échange d’un signe de paix, nous faisons chaque jour une prière pour être délivrés de tout mal, de toute épreuve, nous qui attendons que se réalise notre plus forte espérance : le retour, l’avènement définitif de Jésus Christ notre Sauveur.

Le mal et les épreuves ne manquent pas avec la guerre (depuis 10 longs mois en Ukraine) et en d’autres endroits dans le monde, les changements climatiques, l’inflation des prix dans tous les domaines. Le mal sous bien des formes et les épreuves nombreuses sont là. Ce que l’on disait autrefois de la création, on peut y ajouter désormais l’humanité tout entière car l’humanité et la création gémissent et passent par les douleurs qui durent encore pour l’enfantement d’un monde nouveau. Dès les tout débuts du monde, un Avent de recueillement et de labeur a commencé. Jésus est né dans ce monde, il y a grandi, il y est mort et ressuscité, mais tout a continué de bouger et d’avancer parce que le Christ n’a pas achevé de se former, parce que son Corps et son Sang fait de tous les êtres humains, de toutes les générations humaines, ce Corps de chair et d’amour n’est pas encore complété. Par contre le projet de Dieu lui n’a pas changé : c’est toujours un projet d’amour et de paix. Un projet où l’humanité devient une réalité unie dans une maison commune où tous et toutes vivent ensemble. Ce projet est en marche et à l’œuvre en dépit de toutes les apparences. Et quand Jésus nous invite à veiller, nous pouvons comprendre qu’il s’agit de veiller d’abord et avant tout sur ce grand projet de Dieu pour nous et de consacrer nos vies à le faire avancer avec la goutte d’eau que nous pouvons ajouter à l’océan de tous les besoins, avec les 5 pains et 2 poissons, avec le verre d’eau, la visite à un malade, avec le temps donné à une personne qui a besoin d’être écoutée.

Au temps de Noé comme au temps de Jésus et à notre temps, certains mangeaient, buvaient, se mariaient, vivaient sans se douter de rien, sans avoir donné un sens plus grand, plus spirituel à leur vie, tout à l’horizontal dans le matériel, sans ouverture à la transcendance, à Dieu, sans prendre conscience ni même se douter que nous sommes réellement en train de changer d’époque et qu’un nouveau monde encore bien inconnu, une vie nouvelle est en train de germer. Ils sont engloutis dans le déluge des informations, de la consommation, de la technologie, de tout ce qui est permis mais qui ne construit pas forcément.

Et comme s’il voulait nous faire saisir que l’on ne peut pas parler en divisant le monde entre eux qui se comportent ainsi dans l’insouciance malgré le combat pas toujours facile du simple quotidien, et nous qui pouvons penser autrement, Jésus continue en parlant de deux hommes ou de deux femmes qui travaillent côte à côte l’un est pris l’autre laissé. Cette division est présente en chacun et chacune d’entre nous. Une part de nous n’est pas encore totalement convertie et ouverte à la présence de Dieu et à son projet d’amour. Et l’autre part cherche dans la pauvreté des moyens à notre disposition comment changer la vie, la nôtre et celle des autres, comment transformer des chars d’assaut en tracteurs et en moissonneuses-batteuses, comment changer les armes en instruments agricoles pour cultiver les céréales dont les gens ont vraiment besoin pour se nourrir. Tout nous semble tellement disproportionné et au-dessus de nos capacités et de nos forces. Veiller commence par un éveil et une conscience de ce qui se passe dans le monde, par un éveil à des gestes de solidarité humaine avec tant d’hommes et de femmes aux prises avec le mal et la misère. Notre endormissement, notre inaction, retardent le projet de Dieu.

L’Avent introduit chaque année le rappel de qui nous sommes : des disciples et des témoins du Christ en attente de son retour, de son dernier avènement. Mais aussi des baptisés, des confirmés, des consacrés qui avons revêtu le Christ et qui voulons lui ressembler, devenir et agir comme lui. Jésus avait deux points très forts dans sa vie, deux points où nous pouvons lui ressembler : son intimité avec son Père (dans sa prière) et son amour inconditionnel pour tout être humain. C’est peut-être vrai que nous ne pouvons pas faire grand-chose pour changer le monde de manière importante, mais nous pouvons changer notre regard sur le monde et chercher à le regarder comme Dieu le voit avec tendresse et amour. Et nous pouvons introduire cette charité, cet amour, dans ce que nous disons et dans ce que nous faisons. Veiller à garder la charité dans toutes nos paroles et nos actions durant cet Avent ferait certainement reculer de la noirceur dans la nuit des gens et ferait briller de la lumière dans leurs yeux et dans les angles morts de leur vie. Il y a seulement l’amour qui soit encore crédible de nos jours. Rester vigilants à entretenir cet amour en nous et entre nous et marcher dans cette lumière avec notre Dieu.

L’indifférence, l’insouciance et l’inconscience que l’on trouvait à l’époque de Noé existent encore. Mais il y a autre chose qui est en train de naître. Il n’y a pas de problème à s’endormir pourvu que le cœur continue à veiller, rêver, espérer, et que le feu sacré de l’amour venu embraser tout l’univers ne s’éteigne dans aucun cœur humain. 

Enfin cet Avent nous tourne vers une naissance, vers un avènement. La naissance et la vie de Jésus en chacun et chacune de nous. Ce serait un peu triste d’entrer en Avent sans le désir et sans l’attente de Celui qui vient bientôt et qui, par sa promesse d'être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde, est déjà là, parmi nous…


04-12-2022 /  Deuxième dimanche de l'Avent  (Frère Michel)

Deuxième dimanche de l'Avent


HOMÉLIE


Dimanche dernier, nous sommes entrés dans le temps de l’Avent : L’Avent est un temps de commencement et d’attente. Il coïncide avec le moment de l’année où les nuits sont de plus en plus longues ; en décembre, chaque jour, la lumière diminue encore un peu plus et malgré cela, l’Avent annonce le commencement de quelque chose de nouveau.

Aujourd’hui, sur la couronne de l’Avent, il y a une deuxième bougie allumée : un peu plus de lumière, donc et moins d’obscurité. Mais c’est en espérance que nous voyons l’obscurité diminuer parce qu’en réalité ce soir, le soleil se couchera encore un peu plus tôt qu’hier. Oui, le temps de l’Avent est réellement un commencement, mais ce commencement n’est rien d’autre que le commencement d’une espérance.

Et aujourd’hui, pour stimuler cette espérance, l’Évangile nous parle de Jean-Baptiste, avec un texte marqué par l’univers du désert :
Dans le désert, l’espérance est mise à rude épreuve : on risque de mourir de faim ou de soif, on perd tous ses points de repères, on ne contrôle plus rien, on dépend entièrement des éléments et de la providence divine. Tout autour de soi, on n’y voit qu’un univers minéral, chauffé à blanc par le soleil sur les pierres et, cachés entre les pierres, des serpents et des scorpions prêts à mordre ; tout est hostile, inhospitalier. Non, vraiment, le désert n’a rien pour plaire : on peut difficilement y survivre, à moins d’être de la trempe de Jean le Baptiste.

Car lui non plus n’avait rien pour plaire, avec ses vêtements en poils de chameau et sa ceinture de cuir autour des reins. Et pourtant, il rappelle un personnage de grande importance dans l’histoire sainte : le prophète Elie.
Dans le deuxième livre des Rois, le narrateur nous raconte qu’Elie, lui aussi, portait un vêtement de poils et une ceinture de cuir autour des reins.
Ce n’est pas un hasard si l’Évangéliste Mathieu souligne ce détail.

Les Juifs attendaient le retour du prophète, qui devait se produire juste avant la venue du Messie ; Elie devait être le personnage annonciateur du Messie. Et si l’Évangéliste insiste pour écrire que Jean-Baptiste a les attributs d’Elie, qu’il porte les mêmes vêtements que lui, c’est bien pour dire aux premières générations de chrétiens qu’il était bien celui qui devait venir avant le Messie.
Jésus lui-même dira donc de Jean-Baptiste qu’il aura été le plus grand de tous les prophètes; mais sa véritable grandeur ne tient qu’à une chose : c’est lui qui a su discerner le Christ : il a su reconnaître Jésus comme le Messie attendu, il a su pointer son doigt vers lui, il a su le montrer à ses contemporains, et à nous aujourd’hui. Tout son ministère se réduit à cela : pointer du doigt Jésus. Lorsque Jean-Baptiste aura fait cela, sa mission sera terminée et il saura se faire oublier : il saura se retirer, en disant à propos de Jésus : Il faut qu’il croisse et que moi je diminue.

Nous l’avons entendu dans l’Évangile de ce jour, celui qui fut appelé à reconnaitre Jésus-Christ est un homme rude et en rupture avec les anciennes pratiques religieuse de son temps. La parole de Jean-Baptiste a été comme un feu purificateur, comme une faucille qui coupe et fait place nette.
Mais paradoxalement, le Messie qu’il annonce viendra avec une douceur déconcertante. Après que Jean-Baptiste aura effectué ce travail de nettoyage nécessaire, Jésus pourra commencer son ministère, ce Jésus dont il est dit qu’il ne cassera pas le roseau courbé et qu’il n’éteindra pas la lampe dont la lumière faiblit. Et ce temps de l’Avent, ce temps d’entre-deux que nous vivons aujourd’hui, nous est donné pour espérer contre toute espérance, celui qui vient…

Ce matin, à l’Office de Vigiles, nous avons entendu un extrait du livre : « L’homme, au miroir de l’année chrétienne » de Karl Rahner. L’auteur nous rappelait que ce temps de l’année qui n’est plus l’automne mais qui n’est pas encore l’hiver, ce temps de l’Avent est un temps propice pour que nous vivions notre Foi avec plus d’intensité et d’intériorité. Car ce temps de l’Avent est un commencement, mais ce commencement n’est rien d’autre que le commencement d’une espérance. 
Car…
« Jusqu’au jour où tu entendras tomber sur toi la Parole divine : «Entre dans la joie de ton Seigneur», tu seras sous le régime de l’Avent. C’est dire à quel point Dieu n’attend pas de toi une joie exubérante… car il est lourd le poids des chaînes auxquelles te rive le temps, même si elles ont commencé à tomber de tes mains et de tes pieds ! Tout ce qui t’est demandé, c’est d’entretenir en toi cette joie humble et discrète de la foi qui vit dans l’attente du Monde à venir, tant elle est sûre que celui qui tombe actuellement sous nos sens ne représente pas toute la réalité… ».

11-12-2022 /  Troisième dimanche de l'Avent  (Frère Martin)

Troisième dimanche de l'Avent


HOMÉLIE


Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?

Frères et sœurs, la question adressée par Jean dans son cachot est incontournable pour quiconque désire marcher à la suite de Jésus. Elle se veut l’écho de celle posée par Jésus à Simon-Pierre : Pour vous, qui suis-je ? Question toujours pertinente, peut-être même plus que jamais, à l’heure où de tristes évènements s’abattent sur notre monde et sur nos communautés chrétiennes. Qui est ce Jésus de Nazareth, ce prophète qui enseigne et qui guérit ? Qui affirme être envoyé de la part du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; Celui de qui nous osons dire qu’il est Dieu, et pourtant né d’une femme, Marie ; Celui qui est mort et ressuscité afin que la Vie, avec un grand V, circule librement en chacun et chacune de nous ? Qui est-il ce Jésus ?

Les aveugles voient, dit-il, les boiteux marchent, les sourds entendent.

Comme à l’habitude, la réponse de Jésus déroute. Comme à son habitude, Jésus ne se satis-fait pas d’un simple « oui » ou « non » en réponse aux questions qui lui sont adressés. De même, les réponses qu’ils donnent n’enferment jamais celui qui les posent dans la contrainte, mais ouvrent sur la vie, sur un horizon nouveau qui convoque non pas une soumission aveugle, mais un choix éclairé et une décision réfléchie. L’Évangile, en effet, perdrait toute sa saveur, toute sa force et sa cohérence s’il n’était plus cette Parole qui chuchote à nos âmes et nous invite sans nous menacer ou nous menotter de quelque façon. La réponse de Jésus implique en ce sens le mode de discernement caractéristique des prophètes de la 1ère Alliance, celui-là même que Jésus enseigne à ses disciples : Vous jugerez l’arbre à ses fruits.

Jésus répond donc à la question par des signes qui nous ramènent délibérément à notre humanité blessée : Les aveugles voient, les boiteux marchent et les sourds entendent. Blessée physiquement, certes, car Jésus est un thaumaturge réputé, mais aussi symboliquement, puisque le Maître est aussi médecin des âmes. Tout le monde sait par expérience qu’il existe bien des manières d’être aveugles, sourds, muets, boiteux et paralysés.

Frères et sœurs, que nous dit Jésus par sa réponse sinon que l’important n’est pas tant celui qui doit venir – les prophètes n’ont cessé de nous mettre en garde contre les charla-tans de tout acabit – l’important n’est donc pas tant celui qui doit venir que les fruits qu’il engendre concrètement sur son passage : Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez répond Jésus aux envoyés de la question.

Par sa réponse, Jésus renvoie ainsi le Baptiste aux témoignages de ses disciples qui ont vu et entendu ce que fait le prophète de Nazareth : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, l’Évangile est annoncé aux pauvres. Sur la foi de leurs témoignages, Jean devra répondre et prendre position : est-ce cela ou autre chose que j’attends de Celui qui doit venir ?
Comme Jean du fond de sa prison, n’est-ce pas aussi la question qui, à certains moments, taraude notre vie de foi, mais qui inversement peut aussi la faire basculer du côté de Dieu ? Est-ce bien cela ou autre chose que j’attends de Jésus de Nazareth ? Cela ou autre chose ? Il n’y a peut-être pas de question plus urgente à laquelle répondre à l’approche de ce temps de Noël.

Au regard de la réponse de Jésus, parions que beaucoup de nos contemporains souhaiteraient en attendre un autre. Un Messie guerrier politisé, par exemple, qui nous délivrerait de la main d’un Vladimir Poutine, d’un Donald Trump ou d’un Pierre Poilièvre ; et pourquoi pas un Messie super-médecin, urgentologue et bon administrateur qui remettrait dans le droit chemin notre réseau de santé passablement amoché. Autrement dit, un Messie qui commencerait par guérir et assainir tout ce qui se trouve à l’extérieur de nous au lieu de guérir et assainir le lieu le plus important : celui de notre cœur d’enfant de Dieu.

Malheureusement, ou plutôt heureusement, Jésus nous sauve autrement. Le passage d’Évangile d’aujourd’hui est en ce sens sans compromis. Celui que nous attendons dans la foi, c’est Celui qui donne aux aveugles de recouvrer la vue, aux boiteux de marcher, aux lépreux d’être purifiés, aux pauvres d’entendre la Bonne Nouvelle. En un mot, c’est Celui qui vient recréer par son Esprit notre humanité blessée. C’est dans cette direction que pointe l’Incarnation du Verbe : Jésus naît d’en-bas, pétri de notre terre, pour que nous renaissions d’en-haut, tourné vers le Ciel, ainsi qu’il l’enseigne lui-même de nuit à Nicodème. Les Pères de l’Église l’ont répété sans cesse.

Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?

Frères et sœurs, la manière dont le Seigneur se manifeste à nous est déroutante, et Noël n’y fait pas exception. Écoutons à ce propos le grand saint Augustin : « Lorsque j’attends une certitude solide comme le roc, je reçois une Parole palpitante, comme de l’eau vive qui file entre mes doigts. Lorsque j’attends la puissance et l’autorité, je reçois entre mes mains la candeur d’un nouveau-né. »
C’est cette candeur de Dieu en son humilité, en sa petitesse de nouveau-né qu’il est nécessaire d’accueillir pour renaître d’en-haut. La nativité nous apprend qu’il faut se faire tout-petit avec l’Enfant afin qu’en sa présence nos yeux se dessillent, nos oreilles entendent, nos pas s’affermissent, que notre être d’enfant de Dieu soit recréé. Voilà l’œuvre de Celui qui doit venir. La seule œuvre en laquelle nous devons croire en ce temps de l’Avent.

18-12-2022 /  Quatrième dimanche de l'Avent  (Frère Bruno-Marie)

Quatrième dimanche de l'Avent


HOMÉLIE


Frères et soeurs,
Saint Paul nous dit dans la deuxième lecture que l’Évangile c’est-à-dire
Bonne Nouvelle que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans
les saintes Écritures concerne son Fils Jésus.

Depuis les temps les plus reculés, les hommes ont cru en Dieu, ou plut[ot
on crut en des dieux, en ces forces de la nature qui les terrifiaient et
auxquels ils offraient des sacrifices pour s’en protéger.

Même les Grecs et les Romains pour qui les dieux vivaient dans leur
sphère à part sans trop se préoccuper des humains, sentaient le besoin de
leur offrir des sacrifices pour se prémunir contre leurs mauvaises humeurs,
ou pour obtenir leurs faveurs.

De telles manières de voir Dieu ne sont pas absentes de la bible. Notre
père Abraham offre des sacrifices à son Dieu et le Dieu du Sinaï est un
Dieu terrible qui se manifeste à travers le feu, le tonnerre et les éclairs.
Ce n’est qu’avec le temps, graduellement et très lentement que le peuple
hébreux comprendra que son Dieu est tendresse et pitié, lent à la colère et
plein d’amour. Un Dieu qui rêve de devenir Emmanuel, c’est-à-dire Dieu
avec nous. Ce rêve, Il le réalisera en naissant d’une Vierge comme Il
l’avait annoncé au roi Acaz. Alors Il prendra le nom de Jésus, ce qui
signifie le Seigneur sauve, car c’est lui qui sauvera son peuple de tous ses
péchés.

C’est ici que tout bascule. Que l’inconcevable devient réalité. Qu’un Dieu
naisse d’une Vierge cela passe encore, car certaines mythologies
païennes en parlaient déjà . Mais qu’un Dieu s’offre lui-même pour le
pardon des péchés de son peuple, c’était du jamais vu. Scandale pour les
juifs, folie pour les grecs comme dirait Saint Paul. Pourtant c’est là Bonne
Nouvelle que Dieu avait promise d’avance pour les prophètes.

Beaucoup encore aujourd’hui ont peur de Dieu. Ils se le représentent
comme un dieu terrible, vengeur et punisseur. Alors pour arrêter d’en
avoir peur, ils décident ne plus y croire. Ils ont bien fait car le Dieu dont ils
n’ont peur n’existe pas.

Notre Dieu, le Dieu des chrétiens est un Dieu doux et humble de coeur, lent
à la colère et plein d’amour. Loin d’être un Dieu punisseur et vengeur,
notre Dieu est un Dieu sauveur. Son nom est Jésus : Le Seigneur sauve.
C’est lui-même qui sauve son peuple de tous ses péchés. Jésus est le
plus beau cadeau de Noël que Dieu puisse offrir à notre monde. En lui
réside le pardon inconditionnel de tous nos péchés.

Frères et soeurs,
Dieu veut tellement ne pas nous faire peur qu’il vient à nous sous les traits
d’un enfant. Il veut tellement nous sauver qu’Il s’offre lui-même en sacrifice
pour le pardon de nos péchés. Autrement dit : Dieu aime mieux mourir que
de nous punir.
Surtout Frères et soeurs n’allez pas croire que c’est trop beau pour être
vrai. Cela amoindrirait la joie, la beauté et la grandeur de Noël.

25-12-2022 /  La Nativité : Nuit de Noël  (Dom André)

Nuit de Noël


HOMÉLIE

Frères et Sœurs. 
Bien avant la naissance de Jésus, Dieu nous avait révélé ce qu’il voulait être avec nous, ce qu’il voulait vivre avec nous. Il avait donné à Moïse le signe très fort de son amour pour nous, du lien entre lui Dieu et tout être humain : Je suis qui Je suis, Je deviens qui Je deviens… en étant avec toi. Mais la nuit de Noël, Dieu va encore plus loin et provoque dans notre histoire une nouveauté radicale : il incarne ce lien de l’alliance par la naissance de son Fils. Dieu se fait homme comme nous.

Noël : quel mystère ! C’est la naissance de Dieu, un Dieu bien différent des dieux grecs tout-puissants dans le ciel, séparés de la terre et des êtres humains. Il vient au monde vrai Dieu tout en prenant le visage d’un enfant dans les bras de Marie, sous le regard de Joseph. Dieu nous révèle, oui, une toute autre puissance, c’est la puissance infiniment plus grande de l’amour, de la tendresse, de la joie remises entre les mains de toute l’humanité. Il est venu pour nous et pour la multitude. Et cet enfant qui naît, ce Fils de Marie et du Père éternel, c’est la naissance d’un homme qui va aimer et aller jusqu’au bout de son amour et de sa liberté d’homme, en nous montrant le chemin pour faire comme lui. Il s’est fait humain pour que nous devenions humains comme lui. Et en cet homme, nous apprenons Dieu.

À la question de l’un de ses disciples qui lui demandait de voir le Père, Jésus répondra un jour : qui me voit, voit le Père. À partir de cette nuit de Noël où il naît pour nous, Jésus aura à cœur de nous apprendre comment devenir des êtres humains capables de servir et d’aimer comme lui. En réalité, si nous parvenions à vivre comme lui, à lui ressembler vraiment, nous pourrions dire un jour : qui me voit, voit le Christ car nous lui serions enfin devenus semblables. L’humain en nous aura alors saisi l’incroyable échange qu’il introduit par sa naissance parmi nous : il a pris notre humanité pour mettre en nous sa divinité et nous rendre participants de sa nature divine (1 P1,4). « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu », dira un Père de l’Église. Car la gloire de Dieu ce n’est pas un être humain endormi, mais un être éveillé, debout, vivant et lumineux. Mets-toi debout et deviens lumière car sa Lumière s’est levée sur toi (disait le prophète, Is 60,1). La Nuit de Noël, nous sommes devant un double miracle : c’est la naissance de Dieu dans un être humain et la naissance de l’être humain en Dieu. Il vient pour nous, il est né pour nous. Et nos deux existences sont désormais liées l’une à l’autre d’une manière toute nouvelle.

Une création nouvelle commence cette nuit. En se faisant Enfant, Dieu rend encore plus évidente une dimension importante de notre réalité : un enfant ne peut pas vivre sans les autres, sans l’amour des autres. Et cet enfant vit toujours en chacun de nous avec ce même désir et ce même besoin des autres. Les signes se multiplient cette nuit. Les premiers à venir voir et adorer Jésus, ce sont des bergers, les sans-papiers de l’époque. Le pays procédait à un recensement; les bergers n’en faisaient pas partie. Les bergers sont des marginaux, sans identité, sans nom, des gardiens de troupeaux. C’est pourtant à eux que l’ange s’adresse et donne le signe et quel signe : un enfant emmaillotté et couché dans une mangeoire. Ils iront trouver et adorer l’Enfant avant de retourner auprès de leurs troupeaux. Mais cette nuit de Noël qu’avons-nous en commun avec ces bergers? Comme eux, nous recevons nous aussi un signe, le même, celui de l’Enfant-Dieu né pour nous. C’est le même signe qui nous est donné. Il nous revient à chacun de nous de l’interpréter dans notre propre nuit et dans notre vie et d’y trouver sens pour nous aujourd’hui. Ce signe revient chaque année, à chaque Noël, pourtant il est neuf chaque fois car notre expérience de la vie, notre désir d’être un meilleur être humain et un meilleur croyant, notre passion d’aimer et d’être aimé ont évolué et ne sont plus les mêmes. Le signe est là cette nuit comme une invitation à faire du neuf, du « commencement » dans notre vie.

Au fond, ce que nous avons en commun avec les bergers, ce n’est pas la pauvreté sociale, matérielle, mais cette pauvreté humaine que nous avons tous en partage : le creux, le vide, le manque, cette blessure si profonde dans tout cœur humain, qui nous fait désirer l’amour, la vie, la joie. L’Enfant de la crèche, l’Enfant-Dieu est bien plus qu’un signe : il est le don par excellence qui se nourrit du manque en nous, sans jamais le combler mais en le rendant de plus en plus libre. Et ce don qui nous est offert c’est la pure gratuité de l’amour. L’Enfant-Jésus, par sa faiblesse et sa pauvreté, rend possible l’amour qui ouvre les portes du bonheur. Bonheur de vivre - peut-être un peu autrement - mais de vivre… avec Dieu et avec les autres, ceux qu’on aime comme ceux que nous n’avons pas encore appris à connaître et à aimer assez pour en faire des amis et pour faire ensemble l’expérience de Dieu dans un monde créé à son image d’amour.

Il y a des siècles avant la naissance de Jésus, Dieu nous a déjà dit : Je deviens qui je deviens en étant avec toi. Et Jésus est venu, il s’est fait l’un de nous, il nous a promis d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Et nous, dans la lumière et la joie de cette nuit de Noël, nous pouvons, si nous le voulons, être avec lui et devenir ainsi enfants de Dieu, enfants de Lumière, enfants de Joie…

25-12-2022 /  La Nativité : Jour de Noël  (Dom André)

Jour de Noël


HOMÉLIE


Frères et Sœurs,
Écoutez la voix des guetteurs : tous ensemble, ils crient de joie… nous dit le prophète Isaïe. Et avec eux, c’est toute la création qui attendait la venue du Seigneur et qui maintenant jubile de joie. Comme nous le rappelait un frère durant le temps de l’Avent, même les psaumes prennent un accent poétique et symbolique quand ils parlent de la venue du Seigneur: les arbres dansent de joie, les fleuves battent des mains, les montagnes crient de joie. C’est la terre tout entière qui accueille son Seigneur dans l’allégresse. Il y a de la joie et de l’amour dans l’air. C’est la Nativité de Jésus Christ selon la chair.

En ce jour où nous sommes, Dieu nous parle encore, mais cette fois, c’est par son Fils, par le Christ Jésus. C’est un peu paradoxal car si tout est venu à l’existence par sa Parole, par son Verbe, il choisit de prendre chair dans notre condition humaine en se faisant enfant. Et ce nouveau-né qui n’a pas encore l’usage de la parole parle un langage qui est universel et qui peut toucher et rejoindre le cœur de tout être humain : l’Enfant-Dieu parle le langage de l’amour.

Il n’y a rien de plus lumineux que l’amour. L’amour remplit nos cœurs et nos yeux de lumière. Il illumine et éclaire toute vie et toute histoire humaine. L’amour fait des miracles. Dès qu’il y a une brèche, une ouverture dans un cœur, il entre, s’insère et transforme toute la personne. L’Enfant-Dieu rejoint de cette manière l’enfant qui continue toujours à exister en chacun et chacune de nous et il nous donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Et nous le sommes, enfants de Dieu. Il nous révèle ainsi que nous sommes bien plus que des êtres faits de terre et de poussière d’étoiles, conçus dans le désir et l’amour de nos parents, il nous révèle que nous sommes aussi nés de Dieu, qu’il y a du divin en nous et que nous avons tous part à cette plénitude de l’humain et du divin, intimement liés. Il nous revient alors d’en vivre avec Dieu et avec les autres.

Nés de Dieu, nous avons reçu grâce sur grâce, c’est dire que nous avons reçu un don particulier qui se renouvelle sans cesse. Dieu nous a fait le don d’un amour capable de répondre à son amour. Bien entendu, son amour et notre amour ne sont pas comparables mais avec Dieu ce n’est pas la mesure, la hauteur, la largeur, la profondeur de l’amour qui compte, c’est avant tout la réciprocité. J’ai mieux compris ce verset de l’évangile à la suite d’une expérience dans l’un de nos monastères en Afrique. Je participais à une palabre, une discussion, pour résoudre une difficulté, entre les moines de la communauté de Koutaba au Cameroun et les gens du village voisin. Les moines avaient contribué de bien des manières au soutien d’une famille et l’avaient laissé cultiver une parcelle sur le terrain du monastère pour qu’ils ne meurent pas de faim. Et la famille se plaignait et en demandait plus. Un frère a alors fait remarquer que la communauté avait donné vraiment beaucoup mais qu’en retour, la famille n’avait rien donné, pas même une seule arachide. En attendant cela, tous les anciens du village se sont aussitôt levés et ont reproché à la famille d’être sortie de la réciprocité. Il suffisait d’une arachide pour maintenir le lien de la réciprocité. Dieu nous a fait le don d’un amour capable de répondre à son amour. Ce qui compte ce n’est pas la proportion mais le lien de la réciprocité. Notre amour est capable de répondre à son amour.

Jésus est la vraie lumière qui éclaire tout être humain et ce qu’il met en relief en prenant notre condition humaine c’est toute cette part invisible de notre humanité. Grâce au Christ Jésus, il y a du divin en nous : nous sommes nés de Dieu. Et il y a aussi en chacun et chacune de nous ce don incroyable : notre amour peut répondre à son amour. Cette lumière éclaire ce que nous sommes en vérité et ce que nous devenons quand nous portons cette lumière en nous et autour de nous. Et il y a alors une joie et un amour qui peuvent franchir toutes les épreuves et tous les obstacles dans nos vies. C’est la joie et l’amour de vivre avec Celui qui s’est chair et qui continue à se faire proche comme un frère pour nous !

01-01-2023 /  Sainte Marie, Mère de Dieu (Dom André)

Sainte Marie, Mère de Dieu


HOMÉLIE


Frères et Sœurs,
 
Le Pape François a répété à plusieurs reprises que l’on ne sort jamais identiques des moments de crises : on en sort toujours meilleur ou pire. Nous espérions tous que ce serait effectivement le cas après les années de COVID mais nous nous sommes retrouvés avec cette guerre qui dure encore en Ukraine. Nous avons appris jusqu’à un certain point à combattre le virus de la pandémie en mettant ensemble nos efforts, nos technologies, nos savoirs et une volonté commune de nous en sortir. Il semble bien que nous ne sommes pas encore parvenus à revivre cet effort collectif pour combattre le virus de la guerre.
 
Saint Bernard nous invitait devant toute épreuve à lever les yeux et à regarder Marie, la Mère de Jésus, la Mère de notre Sauveur. Quel chemin Marie peut-elle nous apprendre pour nous décider à oser la nouveauté et pour nous faire espérer un monde meilleur et réaliser enfin la fraternité et la solidarité dont nous avons un besoin si urgent pour que notre monde aille mieux ?
 
Marie peut nous apprendre ce chemin par deux attitudes fondamentales chez elle : sa prière et son ouverture.
 
Marie est une femme d’écoute, comme ces femmes en Algérie, en Argentine et aujourd’hui en Iran. Elle écoute la réalité de ce qui se passe dans le peuple autour d’elle. Elle est attentive à ce qui manque pour que les choses aillent mieux et que le bonheur soit de la partie et elle le fait de manière très concrète. Quand elle constate aux noces de Cana que le vin, et donc la joie, va manquer à la fête, elle s’approche de Jésus et lui dit : ils n’ont plus de vin. Jésus comprend que sa mère veut qu’il intervienne. Il ne sent pas prêt à le faire. Marie n’abandonne pas pour autant. Elle dit à ceux qui assurent le service à cette noce : Faites tout ce qu’il vous dira. Et Jésus va changer l’eau en vin. La prière de Marie commence par une écoute, une lecture de ce qui se passe dans la réalité et par un message à son fils, pas un ordre, pas une supplication, un mot qui manifeste qu’elle est touchée par la situation que vivent les nouveaux mariés et elle veut partager avec son fils ce qu’elle ressent. Marthe fera la même chose plus tard après la mort de son frère Lazare, elle ne demandera rien, elle touche simplement le cœur de Jésus : Seigneur celui que tu aimes est mort… Ces femmes ne demandent rien, elles espèrent tout et croient que tout peut encore advenir. Et leur prière de foi et d’espérance porte fruit et un chemin nouveau de vie va s’ouvrir.

L’ouverture de Marie nous apprend aussi beaucoup sur l’attitude à adopter pour ouvrir un chemin de paix et de fraternité. Mère de Dieu, elle va assumer pleinement sa maternité et l’élargir aux dimensions du projet d’amour du Père éternel que Jésus est venu révéler. Certains pourraient penser spontanément que ce devait être assez facile pour elle de vivre cette ouverture puisqu’elle est la Mère de Dieu. Oui, Marie est Mère de Dieu mais c’est aussi une personne humaine avec un cœur humain à qui il a été prophétisé qu’elle aurait l’âme transpercée. Et Marie a dû souffrir quand on lui a rapporté les paroles de Jésus : Qui sont ma mère et mes frères ? Et que regardant ceux qui étaient assis autour de lui, il ajouta : Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère (Mc 3,33-35). Même en le comprenant dans la foi, Marie a dû faire un bout de chemin en attendant ce Qui est ma mère ? dans la bouche de Jésus. Et à la fin, Jésus avant de mourir lui demande de devenir mère de Jean et à travers lui jusqu’à nous, mère de tous les disciples. Voici ton fils et Voici ta mère.
 
Par sa façon de prier et par son dépassement de soi dans l’ouverture, Marie nous apprend comment créer les conditions favorables pour construire ensemble un monde meilleur, un monde de paix, de fraternité et de solidarité. Nous ne pouvons pas y parvenir seuls. Marie a demandé aux serviteurs de la noce de se tenir prêts et Jean a pris avec lui Marie quand Jésus lui donné Marie comme mère. Il y a toujours des médiations humaines, une chaîne de médiations humaines, et c’est ainsi que le monde change et se transforme. Puisse Marie, Mère de Dieu et notre mère, continuer à soutenir ce que le Seigneur a lui-même commencé en elle et en nous…
 

08-01-2023 /  Épiphanie (Dom Yvon Joseph)

Épiphanie


HOMÉLIE


L’Épiphanie est une fête de lumière : la lumière de la foi. Dès le début de son ministère à Rome, le pape François a signé une lettre encyclique qui a précisément comme titre LA LUMIÈRE DE LA FOI. Une lettre écrite à quatre mains, comme il le reconnait lui-même, car elle avait été commencée par Benoît. Se référant aux Mages venus à Bethléem, guidés par l’étoile, le Pape affirme :
Pour eux, la lumière de Dieu s’est montrée comme chemin, comme étoile
qui guide le long d’une route de découvertes. L’étoile évoque ainsi la patience de Dieu envers nos yeux, qui doivent s’habituer à sa splendeur. L’homme religieux est en chemin et doit être prêt a se laisser guider, à sortir de soi pour trouver le Dieu qui surprend toujours. (No 35)
 
C’est le long chemin que les Mages ont eu à parcourir pour arriver jusqu’à Jésus. Et nous, frères et sœurs dans la foi, c’est toute notre vie qui devient un long chemin pour avancer jusqu’à Jésus, le Christ. Un chemin qui certains jours est parsemé des joies de la découverte et où le Christ se fait tout particulièrement présent en nous ou près de nous. Un chemin qui, d’autres jours, devient plus difficile à parcourir en raison des épreuves que nous rencontrons et qui peuvent prendre plusieurs formes, peut-être même l’épreuve du doute où nous avons comme perdu de vue la lumière de la foi. C’est alors le moment de découvrir, par grâce de Dieu, que notre foi ne nous protège pas de toute épreuve, mais nous protège en toute épreuve, nous donnant la force et la lumière dont nous avons besoin pour les traverser.
 
La foi est une lumière, mais elle n’est pas réservée seulement à celles et ceux qui affirment leur joie de croire. Comme le salut apporté par Jésus est un salut à l’œuvre dans le monde entier, de même la lumière de Dieu est à l’œuvre dans le cœur de tout homme et de toute femme, créés à son image et à sa ressemblance. C’est ainsi qu’elle est présente dans le cœur de ceux qui l’ignorent comme dans le cœur de ceux qui se laissent conduire par elle, mais sans pouvoir la nommer. Dans son Encyclique, le pape François affirme :
Celui qui se met en chemin pour faire le bien s’approche déjà de Dieu, est déjà soutenu par son aide, parce que c’est le propre de la dynamique de la lumière divine d’éclairer nos yeux quand nous marchons vers la plénitude de l’amour. (No 35)
 
Mes frères et mes sœurs dans le sillage de cette fête de l’Épiphanie, aujourd’hui ou dans les jours qui suivront, nous pourrions prendre le temps de considérer le bout de chemin que notre foi nous a fait parcourir jusqu’à maintenant, et quels sont les obstacles ou les négligences que nous avons à surmonter afin de mieux poursuivre notre route… Si nous faisons le choix de nous arrêter pour réaliser cet examen, nous trouverons sûrement des motifs de rendre grâce au Seigneur pour le don de la foi… Sans doute deviendrons-nous aussi plus conscients des points d’attention où nous devons être plus vigilants pour ne faiblisse pas en nous la lumière de la foi…
 
Le pape François termine sa lettre sur LA LUMIÈRE DE LA FOI par une belle prière à Marie qu’il déclare « Mère de notre foi », Marie qui nous a été particulièrement présente en ce temps de Noël, qui se terminera demain avec la fête du baptême du Seigneur. Prenons maintenant un instant pour nous recueillir, unissant nos esprits et nos cœurs à la prière que le Pape nous offre :
 
Ô Mère, aide notre foi !
​Ouvre notre écoute à la Parole, pour que nous reconnaissions la voix de Dieu et son appel.
​Éveille en nous le désir de suivre ses pas, en sortant de notre terre et en accueillant sa promesse.
​Aide-nous à nous laisser toucher par son amour, pour que nous puissions le toucher par la foi.
​Aide-nous à nous confier pleinement à Lui, à croire en son amour, surtout dans les moments de tribulation et de croix, quand notre foi est appelée à mûrir.
​Sème dans notre foi la joie du Ressuscité.
​Rappelle-nous que celui qui croit n’est jamais seul.
​Enseigne-nous à regarder avec les yeux de Jésus, pour qu’il soit lumière sur notre chemin. Et que cette lumière de la foi grandisse toujours en nous jusqu’à ce qu’arrive ce jour sans couchant, qui est le Christ lui-même, ton Fils, notre Seigneur !
 

15-01-2023 /  2e dimanche du temps de l’Église (Frère Martin)

2e dimanche du temps de l’Église


HOMÉLIE


Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.
 
Frères et sœurs, cette annonce du prophète Jean Baptiste retentit aujourd’hui avec force au sein de notre assemblée eucharistique ; elle nous invite à reconnaître en Jésus, le Rédempteur et Sauveur qui délie l’humanité de son mal et de son péché.
 
Un peintre médiéval a représenté brillamment ce cri avec toute la puissance de son art : sur son retable, il a attribué à Jean un doigt surdimensionné qui désigne le Christ non pas sur les rives du Jourdain – comme il en va dans l’évangile de ce matin – mais qui désigne le Christ en Croix, orientant ainsi notre regard vers la mort et la résurrection de Jésus.  
 
Derrière la beauté et la gravité de son œuvre se cache une vérité profonde : reconnaître en Jésus le Sauveur, l’Envoyé de Dieu, c’est le reconnaître dans l’enfant de la crèche, dans le prophète itinérant de Galilée, et à plus forte raison dans cet agneau immolé sur la Croix vers lequel pointe le doigt de Jean Baptiste. En d’autres mots, Jésus est cet Agneau pascal dont parle toute l’Écriture, du berceau jusqu’au tombeau. Il est l’Agneau debout, comme égorgé, dont Jean décrit la vision au livre de l’Apocalypse.
 
Dans son destin d’agneau sacrifié, le Verbe de Dieu sera couvert du péché, confondu avec les pécheurs, abîmé, pour ainsi dire, dans le péché, devenu le péché même, selon la belle expression de Paul : Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait pour nous péché, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu. Jésus est bien celui qui porte et la parole de Dieu, et le péché des hommes et des femmes de notre monde.
 
Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, assure avec conviction le Baptiste.
 
Cette confession de foi a pourtant de quoi surprendre. Nous sommes étonnés d’entendre Jean affirmer par deux fois qu’il ne connaissait pas Jésus avant son baptême dans le Jourdain. S’il en est ainsi, comment l’a-t-il donc reconnu ? sinon par une révélation de l’Esprit.
 
C’est lui, l’Esprit, qui lui donne la connaissance profonde que ce Jésus est bien plus que le fils du charpentier de Nazareth. Il reconnaît que Jésus n’est pas seulement de sa parenté, mais qu’il est le Fils du Dieu vivant. J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui... Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu.
 
Lorsqu’il s’approche du Baptiste, comme à chaque fois que Jésus va à la rencontre d’une personne, il y a révélation dans l’Esprit. C’est pourquoi Jésus n’est pas seulement un personnage de l’histoire de l’humanité, un homme charismatique et exceptionnel dont nous nous ferions une idée à force d’étude et de réflexion. La page d’Évangile de ce matin nous rappelle que nous ne pouvons le reconnaître comme tel que lorsque Dieu lui-même nous le révèle. En revanche, nous ne pouvons le reconnaître si nous n’avons le cœur ouvert aux signes de l’Esprit, à l’exemple du prophète.
 
C’est ce même Esprit Saint, écrit le pape François, « qui ouvre nos esprits et nos cœurs ; il les ouvre pour mieux comprendre, oui, pour mieux comprendre les choses de Dieu, les choses humaines, les situations de toutes sortes. Le Seigneur nous fait ce don pour comprendre les choses comme lui, et pour comprendre surtout la parole de son Fils. »  
 
Frères sœurs, voilà ce à quoi nous invite Jean Baptiste ce matin : garder nos cœurs ouverts et vigilants aux manifestations de l’Esprit afin de reconnaître dans l’ordinaire de nos vies le passage et la présence du Christ sur qui demeure en plénitude ce même Esprit.
 
Autrement dit, il ne s’agit pas tant d’accumuler des savoirs sur Jésus que de le connaître et de le rencontrer par notre disponibilité à l’Esprit d’amour et de vérité, l’écoute de sa parole et le partage de sa vie qu’il nous offre dans l’eucharistie.
 
Mais il s’agit également, pour ne pas dire obligatoirement, de suivre Jésus jusqu’à la Croix, tel que l’indique le doigt du Baptiste sur le retable du peintre allemand ou encore le chant d’entrée pour la messe du Christ-Roi où il est dit que le Royaume s’ébauche à l’ombre de la Croix, jusqu’au don de sa propre vie.
 
Il s’agit de comprendre que chaque disciple qui témoigne authentiquement de la Parole porte en quelque sorte avec le Ressuscité de Pâques le péché du monde.
 
Il s’agit encore de saisir à la suite de Jésus et dans l’Esprit, que nous ne pouvons descendre dans l’abîme du péché et y être solidaire sans avoir préalablement séjourné dans l’abîme de l’amour, dans le sein du Père, dira saint Jean.
 
Voilà le grand mystère que nous annonce aujourd’hui Jean le Baptiste.
 
Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.
 

22-01-2023 /  3e dimanche du temps de l’Église (Frère Michel)

3e Dimanche du temps de l’Église


HOMÉLIE


Lorsque Jésus, en marchant sur le bord de la mer de Galilée, dira « Viens et suis-moi », quatre hommes vont le suivre, quatre frères qui vivaient de la pêche. 
Mais cette invitation de Jésus n’est pas figée dans le passé: elle nous concerne tous. Dans notre vie, Jésus, un jour, est passé en nous disant à nous aussi : « Viens, suis-moi ! ». Quelle que soit notre vocation et notre engagement de vie actuel, l’Évangile d’aujourd’hui fait résonner dans notre cœur, l’appel de Jésus, jadis entendu, et pourtant toujours nouveau.
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, dira Jésus lors du dernier repas ; mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,26).

Quand nous acceptons l’invitation que Jésus nous adresse, il nous faut accepter de faire quelques ruptures. C’est ce que nous apprend l’appel des premiers disciples.
Ils ont quitté les filets, la barque et même leur père dans la barque. Ils ont vécu là une première rupture: celle d’avec leur « vie d’avant » avec leur métier, leurs habitudes, leur gagne-pain et une certaine forme d’autonomie. Ils ont dû accepter d’abandonner l’avenir qui était prévu pour suivre Jésus dans l’imprévu.

Une deuxième rupture qu’ils ont connue concerne un nouveau type de relation fraternelle. 
Dans la Bible, dans la manière biblique de présenter « crûment » la réalité humaine depuis la Genèse, les frères ont toujours été rivaux, ennemis et parfois même homicides: depuis Caïn et Abel, Ismaël et Isaac, Ésaü et Jacob, Léa et Rachel, Joseph et ses frères, etc. 
Or ici, Jésus appelle (par 2 fois), 2 frères qui semblent bien liés : Simon et André, Jacques et Jean. Et leur lien fraternel va durer dans le temps : il sera même le noyau dur du groupe des disciples qui suivra Jésus.

L’appel à la conversion que Jésus proclame en même temps qu’il appelle ses disciples a donc commencé ici : dans une fratrie qui ne soit plus fratricide, mais dans une fraternité qui soit féconde !
Le psalmiste chantait déjà la fraternité, cette si rare fraternité, si étrangère à notre univers, une fraternité qui n’est pas fondée sur l’intérêt individuel : «Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis » (Ps. 132 / 1). 
Conversion et fraternité : un parallèle auquel nous n’avions pas forcément pensé dans un premier temps, mais qui est là…

Un parallèle qui s’impose dans l'Évangile d’aujourd’hui, sans théorie, sans commandement à respecter, sans exhortation, mais simplement là : Jésus prêche la conversion… et nous le voyons appeler des frères à vivre ensemble!
Accepter l’invitation de Jésus signifie, pour chacun de nous, une certaine forme de rupture et de continuité.
Si la suite de Jésus amène dans nos vies son lot de ruptures, nous pouvons être sûr qu’il s’occupera, lui, d’en assurer la continuité. Jésus nous demandera parfois une transposition de tout notre savoir-faire et de notre agir ; il fera servir nos capacités et nos talents, mais à un autre niveau, à une autre échelle, dans une autre dimension… Rien ne sera perdu du passé et pourtant… il faudra tout réapprendre.

À travers le nécessaire appel à la conversion et les ruptures qui en résultent, c’est bien notre vie qui continue ; mais pour chacun/e d’entre nous l’appel de Jésus à le suivre demeurera un mystère… à la fois personnel et fraternel…

29-01-2023 /  4e dimanche du temps de l’Église (Frère Bruno-Marie)

4e Dimanche du temps de l’Église


HOMÉLIE


Frères et soeurs,

Le texte des Béatitudes que nous venons d’entendre est l’un des plus beaux des évangiles. Non seulement il nous ouvre huit chemins pour être heureux, mais surtout il nous révèle huit facettes du visage de notre Dieu.

Heureux les pauvres.

Notre Dieu a un coeur de pauvre. En son fils Jésus, Il nous absolument tout donner. Il ne s’est rien réserver pour lui-même. C’est pourquoi Il peut nous dire en toute vérité: « Demandez et vous recevrez. Frappez et on vous ouvrira » Tout ce qui est à Dieu est à nous.

Heureux ceux qui pleurent.

Jésus a pleuré au tombeau de son ami Lazare. Il a aussi pleuré sur Jérusalem. Dieu n’est pas indifférent à ce qui nous arrive. Ce qui nous touche le touche, ce qui nous blesse le blesse. Il pleure encore sur les souffrances de notre monde et sur les souffrances nos souffrances personnelles. Sa Providence invisible nous accompagne et nous soutient dans toutes nos épreuves jusqu’ au jour Il essuiera lui-même toutes larmes de nos yeux.

Heureux les doux.

 « Venez à moi, nous dit Jésus, car Je suis doux et humble de coeur ». Dieu est doux et humble de coeur car Il sait que la force et la violence ne construisent rien de durable. Toutes les dictatures et toutes les tyrannies tombent un jour. Seule la douceur conquiert les coeurs. C’est pourquoi Dieu use de douceur et de patience envers chacun de ses enfants parce qu’il veut être aimé et non pas craint.

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice.

Dans la bible, la justice c’est l’accomplissement à la Loi de Dieu, or Jésus nous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Dieu a faim et soif de justice tout simplement parce qu’Il a faim et soif d’amour.

Heureux les miséricordieux.

Jésus a été tenté en toutes choses, tout comme nous, à l’exception du péché nous dit Saint Paul. Au jardin des Olivier il a connu la peur de souffrir et de mourir. Il a même expérimenté combien il peut être difficile de se soumettre à la volonté de Dieu. N’ayons donc pas peur de comparaître devant lui à la fin de nos jours. Nous trouverons en Lui un Juge miséricordieux.

Heureux les coeurs purs

Est pur ce qui est sans alliage. Dieu est pur parce qu’Il n’y a en Lui que l’Amour et rien d’autres. Il ne peut pas ne pas nous aimer, qui que nous soyons et quoi que nous ayons fait car Il est pur Amour.

Heureux les artisans de paix.

Les artisans de paix sont ceux et celles qui jettent des ponts, entre les personnes pour les réconcilier. Jésus est le pont que Dieu a jeté entre Lui et nous pour nous réconcilier avec Lui. En Jésus, Dieu n’est que main tendue et pardon. Nous pouvons aller à Lui en toute confiance.

Enfin heureux les persécutés pour la justice.

Dieu n’échappe pas à la persécution. En Jésus de Nazareth on l’a accusé de blasphémateur et Il a été mis à mort. Encore aujourd’hui on l’accuse de tous les maux :Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu? Qu’est-ce qu’on a tous fait au bon Dieu?? Comme si tout nos malheurs venaient de Lui.

Frères et soeurs,
Les béatitudes sont beaucoup plus que huit chemins de bonheur. Elles sont Huit auto-portraits de notre Dieu. Huit selfies de Dieu comme on dirait aujourd’hui.

05-02-2023 /  5e dimanche du temps de l’Église (Dom Yvon Joseph)

5e Dimanche du temps de l’Église


HOMÉLIE

Si nous comparons le monde à une maison, nous comprenons aujourd’hui que Jésus ne nous demande pas de bâtir toute la maison, mais d’y apporter la lumière… De fait, Beaucoup de personnes contribuent à bâtir la maison du monde, notre « maison commune », ainsi qu’aime l’appeler le pape François…
Notre responsabilité comme chrétiens, c’est de lui apporter la lumière du Christ…
Et alors se pose la question suivante : « comment apporter cette lumière, comment être cette lumière dans notre « maison commune » ?...

Si vous avez porté attention à la Parole de Dieu qui nous venait du prophète Isaïe,
plusieurs pistes de lumière nous étaient présentées. 
Écoutons-les à nouveau :

Partage ton pain avec celui qui a faim,
recueille chez toi les pauvres sans abri,
couvre celui que tu verras sans vêtement,
ne te dérobe pas à ton semblable.
Alors ta lumière jaillira comme l’aurore…
Si tu fais disparaître de ton pays le joug,
le geste accusateur, la parole malfaisante,
si tu donnes à celui qui a faim, ce que toi, tu désires,
et si tu combles les désirs du malheureux,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres…

Tous ces gestes ne sont sans doute pas à la portée de chacun et de chacune de nous, mais, ensemble, comme Église, nous ne pouvons nous dérober à nos semblables qui souffrent et qui ont parfois des besoins extrêmes… Dans le passé, ici, au Québec, beaucoup de communautés religieuses ont été fondées pour répondre à ces différents besoins… Dans chaque paroisse, il y avait divers organismes qui avaient pour but d’aider les plus mal pris… Maintenant que plusieurs communautés religieuses sont vieillissantes et deviennent incapables de répondre aux besoins pour lesquels elles avaient été créées, maintenant que les paroisses se sont elles-mêmes grandement appauvries et ont vu disparaître plusieurs organismes de bienfaisance, nous ne pouvons tourner la page tout simplement et nous dérober à nos semblables ainsi que l’affirme le prophète Isaïe… Nous ne pouvons baisser les bras et mettre la lampe sous le boisseau,
ainsi que l’affirme Jésus.

L’appauvrissement de notre Église en nombre et en ressources financières, est sans doute une invitation à être lumière d’une autre façon, en collaborant avec tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui se préoccupent du sort des plus pauvres et des plus démunis et, heureusement, il y en a encore aujourd’hui, et même parmi les jeunes, qui se préoccupent des situations inhumaines qui accablent leurs semblables… Dans ce nouveau contexte social, nous avons peut-être à nous laisser inspirer surtout par l’image du sel que Jésus nous propose aussi dans l’évangile d’aujourd’hui : être le sel qui ne voit pas, mais qui contribue à donner le goût du Christ et de son évangile, dans la société de notre temps.

Il me semble que c’est pour une part la direction vers laquelle le pape François nous invite à avancer dans sa Lettre Encyclique Fratelli tutti, Tous frères, parue en 2020, sur la fraternité et l’amitié sociale. La société qui nous entoure change et notre façon d’être présents dans le monde, en tant que chrétiens, doit changer elle aussi : nous avons à inventer de nouvelles façons d’apporter au monde la lumière du Christ, dont ne sommes pas les propriétaires exclusifs, mais les dépositaires… Cette lumière, nous devons le reconnaître, est également présente et à l’œuvre dans le cœur de nombreuses femmes et de nombreux hommes de bonne volonté…

Frères et sœurs, à l’écoute de la parole de Jésus, aujourd’hui, chacun et chacune de nous pouvons nous demander : « Que signifie pour moi, bien concrètement, être lumière du monde ?... Quels gestes suis-je désireux – désireuse – de poser pour apporter la lumière du Christ, dans ma communauté, dans ma famille, dans mon milieu de travail ou de voisinage ? » Et n’oublions pas : si nous pouvons apporter la lumière, d’autres aussi peuvent nous l’apporter…

Apprenons à ouvrir les yeux pour reconnaître la beauté de cette lumière chez des personnes, où ne l’attentions peut-être pas, et apprenons à en rendre gloire à notre Père qui est aux cieux, le Père de Jésus Christ, « lumière née de la lumière », « lumen de lumine », ainsi que nous le chanterons, en latin, en proclamant notre foi par le Credo.

12-02-2023 /  6e dimanche du temps de l’Église (Frère Michel)

6e Dimanche du temps de l’Église


HOMÉLIE


Lorsque l'on évoque le récit du « sermon sur la montagne », nous pensons spontanément aux premiers enseignements de Jésus qui le composent, comme « les béatitudes », « le sel de la terre et la lumière du monde ». En fait, le « sermon sur la montagne » s'étend sur trois chapitres entiers de l'Évangile selon Matthieu (5, 6, 7), et comporte environ vingt-cinq enseignements de Jésus, dont la prière du « Notre Père »! Aujourd'hui, l’Évangile nous propose l'enseignement de Jésus au sujet « de la Loi et des Prophètes ».

Par cette expression, Jésus désigne les principaux livres qui sont dans l'Ancien Testament: d'une part, la Loi ou « Thora » écrite dans les cinq premiers livres, et d'autre part, les livres des prophètes. Toutefois, le mot « Loi » dans la Bible, ne signifie pas un ensemble des règles juridiques : ce n’est pas une législation.

Dans l'Ancien Testament, la Loi est un don de Dieu fait aux humains. A travers le don de la Loi, Dieu exprime sa Volonté, et aussi son projet de vie et de liberté qu'il a pour les humains. C’est pour cette raison qu’il est difficile de croire que Jésus aurait pu être en désaccord avec l’accomplissement de « la Loi ».

Au contraire, il déclare être venu pour l’accomplir, c'est-à-dire pour les mener jusqu'au bout. Pour cela, Jésus entreprend une relecture des Écritures : il propose une nouvelle interprétation des commandements de Dieu : Une interprétation perçue comme dérangeante, parce qu’il ne respecte pas la façon habituelle de les enseigner et de les mettre en pratique.

Par exemple :
- La Loi dit de « ne pas commettre de meurtre », mais Jésus, lui, dit qu'il faut d'abord ne pas se mettre en colère contre son frère, ni le mépriser. Jésus dit aussi qu'il faut d'abord aller se réconcilier avec celui que l'on a offensé, et aller se mettre d'accord avec son adversaire.
- La Loi dit de « ne pas commettre d'adultère », mais Jésus, lui, dit qu'il faut d'abord ne pas convoiter.
- La Loi dit de ne pas manquer à ses serments… « ne pas se parjurer », mais Jésus, lui, dit qu'il faut d'abord ne pas jurer du tout. « Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’, ‘non’, si c’est ‘non’ ».

Devant chaque interdiction de la Loi, Jésus rajoute une exigence encore plus forte que l'interdiction elle-même, et met en question la responsabilité de chacun.
C'est pour ces interprétations novatrices que Jésus s'est retrouvé en opposition frontale avec les institutions religieuses de son époque:

- D'un côté, Jésus s'oppose aux scribes, ces spécialistes de la religion, qui lisent, interprètent et enseignent les Écritures. Ils ont acquis une connaissance très pointue de la Loi de Dieu. Jésus leur reproche de vivre confortablement assis sur leur épais savoir religieux et de ne pas se préoccuper de le mettre en pratique. Par leur comportement, ils ont enfermé la Loi de Dieu dans leur savoir.
- De l'autre côté, Jésus s'oppose aux pharisiens, ces religieux qui obéissent strictement à la Loi de Dieu et suivent scrupuleusement ses 613 commandements. Jésus leur reproche de se satisfaire d'une mise en pratique basée sur des rituels. Par leur comportement, ils ont enfermé la Loi de Dieu dans leurs rites.

Ainsi, Jésus reproche aux scribes et aux pharisiens d'enfermer la Loi de Dieu, voir Dieu lui-même, dans leurs savoirs et dans leurs rituels. Par leur lecture, leur interprétation, leur enseignement et leur pratique, ils ont déformé la Loi de Dieu et l'ont détourné de son sens premier: établir une relation avec Dieu et avec notre prochain.

Malheureusement, ce débat qui a opposé Jésus avec les scribes et les pharisiens, a toujours subsisté dans l'histoire du Christianisme. Le passé et le présent nous montrent que les Églises Chrétiennes ne sont jamais à l'abri de se comporter comme ces scribes ou ces pharisiens. En effet, elles ont tendance à enfermer Dieu dans leurs savoirs, à enfermer Dieu dans leurs pratiques qu'elles ont ritualisées.

Évidemment, cette situation est en contradiction avec le message de Jésus dans son Évangile. Par sa lecture et son interprétation des Écritures, Jésus nous incite à ne pas utiliser nos savoirs et nos pratiques dans l'unique intention de nous rendre justes ou saints par nous même aux yeux de Dieu. Au contraire, Jésus nous appelle à nous convertir pleinement et sincèrement, à nous engager totalement à sa suite, à suivre un véritable chemin de foi, tout en restant humbles et sincère dans notre rapport avec les autres et avec Dieu.

Finalement, n'oublions pas une chose essentielle: outre le don de sa Loi, Dieu nous fait aussi don de sa Grâce, toujours première. Ainsi, nous ne devons pas vivre la Loi de Dieu dans la perspective d'une récompense ou d'une punition, mais dans l'espérance de son amour envers nous, par notre foi en Jésus-Christ.
 AMEN

19-02-2023 /  7e dimanche du temps de l’Église (Frère Martin)

7e Dimanche du temps de l’Église


HOMÉLIE


Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ?

Frères et sœurs, il y a des paroles de Jésus que l’on se passerait bien d’entendre. Celle de ce matin, par exemple. Elle nous dit avec force que l’amour, l’agapè de Dieu, c’est aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas ou qui disons nous aiment mal. Et chacun d’avoir aussitôt des noms et des visages en tête et de se dire : « Alors non, quand même pas celle-là ou celui-là ou encore cet autre dont la tête ne me revient tout simplement pas. »
Une réaction spontanée qui nous apparaît bien familière.
Pourtant, par-delà le côté rébarbatif de l’enseignement de Jésus, se cache une vérité importante qui fait partie de la réalité et de l’expérience de tout être humain, à savoir que le mal limite, enchaîne et paralyse, alors que l’amour, la miséricorde et la bienveillance se diffusent, ouvrent et libèrent. Lorsque nous agissons mal, lorsque que nous marchons à l’encontre du chemin tracé par l’amour, nous entrons dans une spirale dont les effets nous entraînent de plus en plus dans l’obscurité et l’aveuglement.
Dans la Bible ou dans les textes anciens, la représentation du mal, la représentation de Satan, est toujours mise en relation avec quelqu'un qui nous ligote et nous prive de notre liberté. Et lorsque nous entrons dans cette dynamique du mal et de la violence, il n'y a pas de libération possible : nous sommes ficelés de la tête aux pieds. L’Évangile le dit clairement : le mal nous lie et nous emprisonne.
À l’opposé, ce que Jésus veut nous faire percevoir dans l’amour et le bien, c'est la liberté intérieure qu’elle procure. Lorsque je tends l’autre joue, que je donne mon manteau, que je fais le double des pas demandés, je suis assurément plus que moi-même. Au moment où je pose un acte de miséricorde, non seulement je ne me laisse pas enchaîner comme lorsque le mal réduit ma liberté, mais je m’ouvre à Dieu, je m’ouvre à plus grand que moi-même, à Celui qui est source de tout bien.
Certes, l’Évangile ne sera jamais un code de lois, de restrictions ou d’interdits à suivre aveuglément. Pourtant, celui ou celle qui désire marcher à la suite de Jésus ne devra pas se contenter du minimum. Au contraire, il est invité à viser toujours plus haut, plus loin et plus fort, à la manière d’un olympien, selon les mots de l’apôtre Paul. Dans son œuvre magistrale Être Chrétien, Hans Küng écrivait en ce sens : « La volonté de Dieu, c’est le bien, la réalisation, le bonheur de l’être humain, appelé à plus grand que lui-même. »
Mais on le sait, l’Évangile vise haut, très haut même, jusqu’à la bienveillance à l’égard de celui qui me veut du mal. Il invite à reproduire en nous l’image de Dieu ainsi que le souligne saint Paul dans la 1ère lecture : Ne savez vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? La tâche du chrétien est donc de construire sa vie comme un édifice, comme une tour ou une échelle, étage par étage, pour atteindre le ciel. Rien de moins. C’est à la fois la destinée de l’humanité et le paradoxe de l’Évangile.
C’est la tour la plus haute que nous pourrions construire, cent fois plus haute que l’ambition projetée dans celle de Babel. Mais que personne ne s’y trompe : s’il est vrai que c’est Paul qui plante et Apollos qui arrose, c’est Dieu qui donne la grâce. Celui qui plante n’est pas important, écrit l’apôtre, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu.
Être appelé à plus grand que soi-même par la grâce de Dieu : voilà qui pourrait devenir le grand thème du temps du Carême dans lequel nous entrerons bientôt.
Frères et sœurs, imaginons quelques instants ce que serait notre vie, celles de nos familles et de nos communautés, voire celle de notre monde, si nous tendions la joue au méchant, si nous donnions aux voleurs, si nous mangions avec les laissés pour compte, si nous pardonnions à ceux et celles qui nous offensent, si nous comprenions qu’il n’y a pas de récompense à aimer ceux qui nous aiment.
Pour Jésus, c’est le chemin à emprunter pour devenir fils et fille du Père éternel, fils et fille de Celui qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes. C’est Lui notre Dieu.

22-02-2023 /  Mercredi des Cendres (Dom André)

Mercredi des Cendres


HOMÉLIE


Frères et Sœurs,

Ton père qui voit dans le secret te le rendra. Il y a donc un secret à vivre dans l’aumône, la prière et le jeûne. Quelle est donc cette attitude, ce secret demandé par Dieu dans notre manière de vivre maintenant notre marche vers Pâques, parce c’est maintenant le moment favorable pour le faire. Tout commence par le rappel du prophète Joël : revenir à Dieu de tout notre cœur. Revenir à lui parce que nous sommes ailleurs et que nous sommes sans doute encore loin de l’aimer de tout notre cœur et de toutes nos forces et que nous avons d’autres bonheurs que lui. Dieu ne repousse pas un cœur brisé et broyé. Le brisement du cœur c’est l’ouverture à l’amour, c’est la brèche qui fait mal quand on saisit que notre cœur loin de s’ouvrir à l’amour de Dieu et des autres s’est au contraire refermé. Nous pouvons alors prier Dieu de nous faire revenir à lui. Et c’est maintenant le moment favorable pour le faire et pour ne pas laisser sans effet la grâce que nous avons reçue de redécouvrir à chaque Carême que nous sommes faits non pas pour la cendre éteinte qui disparaît rapidement, mais pour le feu de la nuit de Pâques, le feu de l’amour qui embrase tout.

Pour revenir à Dieu et rester centré sur l’essentiel, l’Évangile nous propose trois étapes à vivre dans le secret : l’aumône, la prière et le jeûne.

C’est un peu étrange de parler de l’aumône pour des moines. Bien sûr la communauté fait des dons à la mesure de ses possibilités, mais chaque moine individuellement ne dispose pas d’argent et de possibilité de venir financièrement en aide aux autres. Mais ce n’est pas entièrement vrai non plus. Le moine dispose de ce qui est le plus précieux et rare à donner aux autres : du temps , de son temps offert gratuitement pour écouter un frère ou lui rendre service. Dans l’aumône, il ne s’agit pas seulement de donner mais bien plutôt de se donner. Et jusqu’où aller dans le dépassement de soi et le don de soi ? Il y a un type d’aumône qui demande forcément de se détacher de nos passe-temps préférés pour donner du temps quand les frères ont besoin de nous. Et dans le secret que notre Dieu voit, nous devrions pouvoir parvenir à ce lien fraternel avec tout être humain qui nous ferait vivre un vrai partage de ce que nous avons (du temps, du talent, du savoir-faire) et qui nous ferait dire en toute vérité : tout ce qui est à moi est à toi.

Au-delà des prières toutes faites qu’il peut nous arriver de réciter sans être présent à ce que l’on dit, il y a une prière qui jaillit du cœur et qui est un cri de louange ou de supplication à Dieu. On a dit de nous les moines que nous sommes des priants au milieu non pas de mécréants mais au milieu de criants, c’est-à-dire d’êtres humains qui ne savent pas quels mots mettre sur ce qui montent en eux et les tournent vers Dieu. La prière nous libère d’une vie uniquement horizontale, sans transcendance, sans présence du Dieu vivant et présent avec nous. Mais nous ne savons pas beaucoup plus que les criants comment prier et nous devons, nous aussi, laisser parler en nous cet Esprit que Dieu a insufflé dans notre cœur pour le chercher, l’aimer et le prier. Et c’est bien cet Esprit d’amour qui nous attache au Christ et nous appelle à une vie enflammée, embrasée de Lui.

Nous commençons et vivons ce carême dans une démarche de jeûne. Ce n’est pas d’abord un temps plus austère de prescriptions alimentaires plus restreintes même s’il n’y a pas de dessert pendant 40 jours. Ce n’est même pas un temps de plus grande solidarité avec tous ceux et celles qui souffrent de la misère, de la faim et de la soif aujourd’hui même dans le monde. Même si on peut aussi donner ce sens à nos gestes de privation et communier avec eux. C’est comme pour l’aumône et la prière, une démarche qui nous affranchit et nous libère des dépendances et des attachements qui séduisent, paralysent ou anesthésient notre cœur ou qui emprisonnent les autres. Le jeûne qui plaît à Dieu, c’est de ne pas se dérober à notre semblable quand il croise notre route et que nous pouvons l’aider à devenir libre et heureux. La ferveur de notre tout premier amour (et c’est un souvenir très précieux parce qu’il dure encore) a rendu tout le reste moins important que notre attachement indicible à l’Autre. C’est ce jeûne que le carême nous invite à retrouver. Nous ne sommes pas dans la gamme de la privation mais de l’amour qui unifie tout notre cœur et notre vie.

La cendre sur nos têtes ou sur notre front nous rappelle que nous sommes des êtres fragiles aux prises avec le mal, le péché, les apparences, notre passé, nos limites et nos illusions humaines. Ce signe nous reconduit humblement devant notre besoin de guérison de toutes nos blessures d’âme et de cœur. Mais sur notre poussière, Dieu a soufflé son Esprit de vie et ce qu’il fait, lui aussi dans le secret, c’est de nous faire sans cesse revenir à lui par l’amour qu’il a mis en nous…

26-02-2023 /  Premier dimanche de carême (Frère Bruno-Marie)

Premier dimanche de carême


HOMÉLIE


En ce premier dimanche du carême, nous voyons Jésus conduit au désert par l’Esprit pour y être tenté. Au désert, Jésus rencontre le Tentateur qui lui propose trois tentations qui pourraient ressembler étrangement à certaines de nos prières.

Voyant Jésus taraudé par la faim, le tentateur d’approche de Lui et lui souffle à l’oreille : « si tu es le fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre les gens nous dire : « Si Dieu existait, il n’y aurait pas tant de misère dans le monde. Tous mangeraient à leur faim. » En disant cela, c’est un peu comme s’il nous disait : « Où est-il ton Dieu? »
Cette question, « Où est-il ton Dieu? » il faut bien reconnaître que nous nous la posons nous aussi parfois. Quand nous voyons sur nos écrans tous ces gens émaciés et affamés. Comment se fait-il qu’un Dieu qui se dit Amour, laisse mourir de faire des populations entières? Pourquoi n’exauce-t-il pas nos prières?
De fait, Dieu exauce nos prières. Il a mis sur la terre et dans les mers toute la nourriture qu’il faut pour nourrir l’humanité. Ce sont nos coeurs qui sont pas ouverts au partage. C’est pourquoi Dieu nous répond à nous aussi comme au tentateur : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Autrement dit : « Mettez en pratique mon grand commandement de l’amour, apprenez à partager et vous verrez la faim et bien des misères disparaître de votre terre. »
Alors le diable amène Jésus à la Ville Sainte et le place au sommet du temple. Il lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera ordre à ses anges de le porter sur leurs mains de peur que son pied ne heurte les pierres. » Un miracle éblouissant : Se jeter en bas du temple et être arrêté dans sa chute par des anges qui le porterait sur leurs mains au vu et au su de tout le monde. Voilà ce qui convaincrait tout Jérusalem qu’Il est vraiment le Fils de Dieu.
En ces temps où l’Église est accusée de tous les maux et où elle est ridiculisée dans les médias, nous aimerions bien nous aussi, comme le l’annoncent certains sites internets, voir apparaître un grand signe dans le ciel.
Un signe qui convaincrait tout le monde que le Christ est vraiment l’ Envoyé de Dieu.
Ce à quoi Dieu répond : « Tu ne mettras pas Dieu à l’épreuve en espérant des signes extraordinaires. » D’ailleurs pourquoi chercher dans le ciel le grand signe que Jésus nous dit être sur la terre : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples » ou encore : « Père que tous soient un afin que le monde croit que tu m’as envoyé. » C’est donc l’unité des chrétiens qui prouvera au monde que Jésus est l’envoyé de Dieu.
Enfin, dévoilant alors le fond de sa pensée, le tentateur transporte Jésus sur une haute montagne et lui montrant le monde, il lui dit en lui montrant le monde: « tout cela je te le donnerai, si tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. »
Un dieu qui se prosterne devant nous. Combien de fois n’entendons-nous pas dire : « Dieu, je ne crois pas en ça . J’ai prié autant comme autant pour telle ou telle intention et je n’ai jamais été exaucé. Cela prouve bien que Dieu n’existe pas. » On voudrait un dieu à notre service. Un dieu qui exauce toutes nos prières. Un dieu machine distributrice dans lequel on met des prières pour obtenir ce que l’on veut.
Ce à quoi Dieu répond : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras et à lui seul rendras un culte. » En d’autres mots Si Dieu est Dieu, c’est à nous de faire sa volonté et non pas à lui de faire la nôtre. Bien sur que l’on peut présenter Dieu dans la prière nos besoins et nos désirs, mais sans oublier d’ajouter comme Jésus l’a fait au Jardin des Oliviers : « Que ta volonté soit faite et non la mienne. » Confiant que Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous et pour les autres.
Frères et soeurs
Un jour Jésus dit à Pierre : « Passe derrière moi Satan, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes.
Profitons de ce carême pour nous interroger sur la qualité de nos prières? Sont-elles en accord avec les pensées de Dieu?

05-03-2023 /  Deuxième dimanche de carême (Dom Yvon Joseph)

Deuxième dimanche de carême


HOMÉLIE


Sur la montagne du Golgotha, un vendredi, Jésus sera défiguré et crucifié… Aujourd’hui, sur la montagne de la transfiguration, il apparaît revêtu de soleil… Plutôt : irradiant de la lumière qui l’habite, de la Lumière qu’il est lui-même, en tant que de Fils de Dieu ! Jésus vit ce moment d’intensité, avant de prendre le chemin qui le conduira aux souffrances de sa passion et de sa mort
dont il a déjà fait l’annonce à ses disciples, à deux reprises… Il en a choisi trois d’entre eux pour être maintenant les témoins de cet événement unique.

Si nous prenons le temps de regarder Jésus transfiguré aujourd’hui, nous pourrons découvrir beaucoup sur la base de son expérience : nous apprendrons de lui comment faire face aux épreuves, aux moments de souffrance et de mort que nous rencontrons un jour ou l’autre dans notre vie personnelle ou dans la vie des personnes que nous aimons… Nous apprendrons de lui comment traverser ces moments de ténèbres, comment avancer au-delà des difficultés, des échecs des incompréhensions, des abandons ou des trahisons qui font souffrir… Dans ces moments de ténèbres et de grande souffrance, nous pouvons être tentés de douter de l’amour de Dieu envers chacun et chacune de nous ; nous pouvons même en arriver à conclure que les moments d’intimité et de lumière que nous avons connus avec lui dans le passé et où nous avons fortement ressenti l’amour de Dieu pour nous, que ces moments étaient tout simplement des illusions qui nous ont trompés…

En vivant l’expérience de la transfiguration avant celle de sa crucifixion et de sa mort, Jésus nous apprend plutôt qu’il nous faut savoir conserver précieusement dans la mémoire de notre cœur, ces bons et beaux moments que nous avons vécus grâce à notre foi, afin de pouvoir y puiser force et lumière lorsque viendront les moments de grandes épreuves et de noirceur… C’est en nous connectant à la lumière de notre foi que nous parviendrons à traverser ces moments pénibles. Comme Jésus l’a fait en montant à l’écart sur une haute montagne, nous avons besoin nous aussi, et encore plus que lui, d’aller à l’écart, dans un espace de silence, pour nous trouver nous-mêmes et mieux percevoir la lumière qui nous habite, nous qui sommes devenus fils et filles de Dieu, grâce à Jésus mort et ressuscité pour notre vie et notre salut.

 L’apôtre Pierre qui a goûté cette expérience exceptionnelle avec Jésus l’a trouvée tellement bonne, qu’il aurait voulu la prolonger et camper en quelque sorte sur la montagne. Mais ils doivent descendre de la montagne avec Jésus qui leur dit : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Ils ne doivent pas en parler, mais ils devront s’en souvenir – ce qu’ils n’ont pas su faire – lorsque Jésus vivra son atroce passion et qu’il mourra sur la croix, de la mort la plus ignominieuse qui soit pour un juif.

  Cet évangile, proclamé en ce deuxième dimanche du Carême, est une invitation à prendre du temps avec Jésus à l’écart, un temps pour l’écouter, comme nous y invite la voix de Dieu le Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Oui : l’écouter et surtout mettre en pratique ce qu’il nous dira, ainsi que nous le fait voir le pape François dans un commentaire sur cette page d’évangile :

"De cet épisode de la Transfiguration, je voudrais souligner deux éléments significatifs, que je synthétise en deux mots : montée et descente. Nous avons besoin… de monter… Cela nous le faisons dans la prière. Mais nous ne pouvons pas rester là. La rencontre avec Dieu dans la prière nous pousse à nouveau à ‘descendre de la montagne’ et de retourner en bas, dans la plaine, où nous rencontrons tant de frères [et de sœurs] alourdis de peines, maladies, injustices, ignorances, pauvreté matérielle et spirituelle. À nos frères [et sœurs] qui sont en difficulté, nous sommes appelés à apporter l’expérience que nous avons faite avec Dieu, en partageant la grâce reçue". (Angélus du 16 mars 2014)

Nous pouvons prolonger cette réflexion du pape François en nous demandant, chacun et chacune de nous, selon notre état de vie et notre vocation personnelle : « Comment vais-je descendre vers mes frères et mes sœurs, cette semaine ?... Y-a-t-il particulièrement une personne vers qui je pourrais descendre de la montagne pour aller la rejoindre dans la plaine où elle souffre ? »

12-03-2023 /  Troisième dimanche de carême (Frère Michel)

Troisième dimanche de carême


HOMÉLIE


Comme dans tous les pays où les peuples ont vécu longtemps comme des nomades dans le désert, les puits ont toujours eu une grande importance. L’endroit où étaient les puits, étaient des lieux de rencontres, où s’arrêtaient les caravanes et où on rassemblait les troupeaux. 

Dans les récits Bibliques, on retrouve plusieurs histoires sentimentales des patriarches tournant autour d’un puits. C’est près d’un puits que Moïse va tomber amoureux de celle qui deviendra sa femme, Çipporah. C’est également près d’un puits que Jacob et Rachel ou qu’Isaac et Rébecca se sont rencontrés.
Mais c’est aussi autours d’un puits, donné par Jacob aux habitants de Sichem en Samarie (aujourd’hui Naplouse en Palestine) que naîtra une triste histoire qui va faire de ce site, un lieu de discorde entre les juifs et les gens qui habitent la Samarie.

C’est donc précisément à ce puits qu’aura lieu la rencontre entre Jésus et la femme de Samarie. Dans le récit que nous présente l’Évangile, le dialogue entre Jésus et la femme samaritaine est introduit à propos d’une chose que la femme possède et que Jésus n’a pas pour étancher sa soif : Elle a une cruche.

Jésus en aurait bien besoin pour puiser l’eau du puits et se désaltérer mais la querelle qui oppose les Juifs et les Samaritains fait en sorte qu’elle ne devrait même pas lui adresser la parole et encore moins lui prêter sa cruche. En conséquence, Jésus va rester sur sa soif tout le long de notre histoire.

On a dit que Jésus n’a rien changé aux problèmes sociaux qui frappaient la société de son temps. Ici, s’il ne résout pas le problème entre juifs et samaritains, il le pointe du doigt et il accepte de braver l’interdit. Il ose adresser la parole à une femme qu’il ne connaît pas et qui plus est, est samaritaine. Pourtant, Il lui adresse la parole et, ce faisant, il provoque en elle un sursaut d’espoir qui est porteur du désir de vivre.
Par le seul fait d’avoir ressuscité l’espoir en elle, Jésus a ranimé sa capacité à identifier et à exprimer son désir profond.

Jésus lui a montré qu’il y a réellement d’autres valeurs que celles qu’elle a cherchées à atteindre jusqu’à maintenant.

À travers cette rencontre, Jésus l’a faite entrer dans la dimension spirituelle de son être.
Elle a compris que la dimension spirituelle de l’être humain dépasse les conventions sociales et même les différences entre les religions : parce que Dieu se rencontre aussi dans le dépassement de soi.

Depuis sa rencontre avec Jésus, la samaritaine a compris qu’elle ne pouvait pas rester enfermée dans les limites qu’on lui avait imposées et dans lesquelles elle s’était enfermée. Alors que rien n’avait encore changée dans sa vie, elle a compris que tout, désormais, pouvait changer : elle s’est mise à voir les choses autrement.

Dieu s’est révélé à elle comme le Dieu de l’ouverture et non de l’enfermement. Alors, qu’est-ce qui a changé en elle ? Rien et pourtant… tout.

Comme pour la samaritaine, nous pouvons, nous aussi, nous laisser rejoindre par Jésus, pour qu’à son contact, nous soyons libérés de nos enfermements et de nos espoirs déçus.
Lui seul peut nous redonner espoir, là où l’on croyait que tout semblait perdu, car « c’est vraiment lui le Sauveur du Monde ».